Quand l’on mentionne l’idée de partir en retraite méditative, on
reçoit souvent l’objection : ‘N’est-ce pas là une fuite?’ ‘N’y a-t-il
pas mieux à faire pour aider autrui, pour soulager toutes les
souffrances?’
Il est certain qu’il y a de multiples façons d’apporter son aide à
autrui. Il est aussi certain qu’une retraite ne va pas automatiquement
développer en nous les qualités de compassion et d’amour qu’elle est
censée faire éclore.
Chaque être a son histoire, ses affinités, ses dons et sa motivation.
Personnellement, il m’est apparu évident au cours des années que l’aide
que je pensais apporter aux autres n’avait pas le résultat escompté et
parfois même avait l’effet inverse… ce qui m’a poussé radicalement à me
retirer un moment pour tenter de regarder le problème en face.
La valeur d’une retraite telle que celles qu’ont développé les
Maîtres Tibétains, c’est de nous offrir une abondance d’outils pour
observer l’esprit sans défaillir ou se disperser ou encore se réfugier
dans le déni.
Certains diront: ‘Ce n’est sûrement pas le cas des gens que j’ai
rencontrés ! la retraite semble les avoir rendus encore plus
egocentriques!’ Je répondrais que cela peut arriver si les outils n’ont
pas été employés correctement, tout comme dans un atelier d’artisans,
les apprentis peuvent avoir tous les mêmes outils en main mais la
qualité du travail fini va différer sensiblement suivant l’aptitude et
la motivation de chacun.
Pendant une retraite, nous avons le privilège de pouvoir regarder en
profondeur le mouvement de l’esprit, les émotions qui le perturbent sans
cesse, l’extrême subtilité des conditionnements qui créent nos
automatismes. Tout cela peut aussi s’observer dans la vie ordinaire mais
avec beaucoup plus de difficulté car la vie nous entraîne sans cesse à
une vitesse qui rend ces mouvements subtils de l’esprit très difficiles à
voir. Akong Rinpoche nous disait en retraite: ‘Avant, vous meniez votre
vie en voiture et le paysage défilait sous vos yeux à vive allure,
maintenant, vous êtes à pied et vous pouvez voir tous les brins d’herbe
et les petites fleurs du chemin.’
Bien sûr, on perçoit aussi et surtout les confusions, les jugements
arbitraires, les peurs, les mensonges, le manque de compassion etc… et
c’est là que les outils du Dharma sont d’une aide extraordinaire et l’on
ne peut que s’incliner encore et encore devant les êtres éveillés,
Shakyamuni en premier, d’avoir conçu de tels outils, et d’avoir eu
l’extrême bienveillance de les transmettre jusqu’à nous.
Cette confrontation constante, sans relâche, nous amène
paradoxalement à l’acceptation, le renoncement, l’humilité et de là à un
début de compassion véritable.
Cela implique un retournement parfois radical de nos habitudes
comportementales. Cela semble fort difficile à instrumenter dans un
contexte familial et social où amis et partenaires auront tendance à
conforter l’égo en place….
Idéalement, petit à petit, l’identification à un moi solide et
imprenable comme une fortification du Moyen Age perd son sens et devient
même risible.
Ceci dit, c’est le travail d’une vie ou plutôt de multiples vies! et une retraite, c’est une petite faille dans la brèche…
Si l’on observe toutes les religions du monde, elles ont toutes
encouragé le repli, le recueillement, l’isolement loin de la foule, pour
développer la force spirituelle qui est en nous. C’est par la brèche
que la lumière peut commencer à poindre.
bien
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