Grâce à Ananda, disciple et cousin du Bouddha auprès de qui il plaida leur cause, les femmes purent entrer dans la vie monastique. Mais de dures règles de discipline leur furent imposées pour devenir nonnes.
Alors qu’il était encore à Vesali, on prétend que le Bouddha apprit que son père Suddhodana était en train de mourir à Kapilavatthu. Afin de le rejoindre avant sa mort, le Maitre vola dans les airs jusqu’à Kapilavatthu et arriva juste à temps pour lui délivrer un sermon par lequel Suddhodana devint illuminé, de sorte que le vieux raja entra dans le Nibbana sur son lit de mort. Telle est l’histoire légendaire selon un commentateur.
La vérité historique est que Suddhodana mourut dans la seconde moitié de l’année 524 av. J.-C. et que Siddhatta revisita sa ville natale en 523, alors que Suddhodana était depuis longtemps incinéré et qu’un nouveau raja était élu. On ne dit nulle part dans le canon que ce nouveau raja était un membre de la famille Cotama.
C’est probablement au cours de cette seconde visite à Kapilavatthu que le Bouddha agit comme médiateur dans un conflit sur l’usage de l’eau du fleuve Rohini. Le Rohini (maintenant Rowai) fermait la frontière entre la république Shakya et le territoire tribal des Koliya et était interrompu par un barrage bâti conjointement par les Shakya et les Koliya, dont ils tiraient l’eau pour irriguer leurs champs. Lorsqu’en mai-juin 523, le niveau de l’eau fut si bas qu’il suffisait seulement à l’irrigation d’une des deux rives, une querelle éclata entre les laboureurs shakya et koliya. Les insultes pleuvaient et un combat - le texte dit une " guerre " - semblait inévitable. Alors le Bouddha s’interposa entre les deux fronts comme médiateur. Sa renommée d’"illuminé", sa position d’intime du roi Pasenadi, dont les Shakya et les kohya étaient également les sujets, et son éloquence produisirent un miracle à peine imaginable. Usant de l’argument que l’eau était de moindre valeur que les vies humaines, il parvint à éviter le bain de sang et à calmer la colère des opposants (Jat 536).
A l’occasion de cette visite du Bouddha à Kapilavatthu, sa mère nourricière Mahapajapati vint à lui avec une proposition qu’il trouva extrêmement malvenue et pesante. Depuis la renonciation de Siddhatta, de Rahula et de son fils Nanda, elle n’avait plus personne dont s’occuper si ce n’est sa fille Sundarinanda. Après la mort de Suddhodana elle n’eut plus de devoirs domestiques et se tourna donc, à un âge avancé, vers la religion. Un jour elle chercha le Bouddha dans le bois Nigrodha en dehors de la ville et lui dit : " Cela serait bien si les femmes aussi pouvaient s’engager dans la vie sans demeure (c’est-à-dire comme nonnes) selon le Dhamma que tu proclames. " Le Bouddha fut évasif et négatif et demeura sur son refus même quand Mahapajapati réitéra sa demande. En larmes à cause de ce refus, qu’elle interpréta comme une ingratitude ordinaire, Mahapajapati retourna à Kapilavatthu (Cv 10, 1, 1).
Un peu plus tard, le Bouddha quitta sa ville natale et, par des étapes faciles, atteignit la capitale Licchavi, Vesali, où il s’installa, comme l’année précédente, dans le hall à pignons.
pendant ce temps, Mahajapati avait repris courage, coupe sa chevelure, la robe jaune comme moine et suivi les traces du Bouddha, accompagnée de quelques femmes shakya. Les pieds enflés et couverts de poussière, elle arriva à Vesali, où Ananda la vit alors qu’elle approchait du hall à pignons. Les larmes aux yeux elle confia à Ananda son voeu que le Maître permît la fondation d’un ordre de nonnes (10, 1, 2).
EIle ne pouvait trouver avocat plus compétent. Emu, Ananda transmit le plus cher de Mahapajapati au Buddha, qui de nouveau refusa. Alors Ananda commença à défendre le cas :
" Seigneur, des femmes qui s’engageraient dans la vie sans demeure selon ton Dhamma et ta discipline pourraient-elles atteindre la perfection (c’est-à-dire l’illumination) ?
Oui, Ananda.
Seigneur, puisqu’elles en ont sont capables et puisque Mahajapati Gotami t’a rendu grand service, à la fois comme tante du Bienheureux et aussi, après la mort de ta vraie mère, comme seconde mère, gardienne et nourrice, pour cette raison même ce serait bien si tu permettais aux femmes d’entrer dans la vie sans demeure selon ton Dhamma et ta discipline.
Ananda, si Mahapajapati promet d’observer huit règles supentaires, que cela lui tienne lieu d’ordination.
Il énonça à Ananda les huit points, tous visant à subordonner les nonnes (bhikkhni ) aux moines. (1) Même une nonne anciennement ordonnée se rangeait derrière le plus récent moine et devait le saluer respectueusement. Apprenant d’Ananda les huit points, Mahapajapati consentit aux conditions et fut ainsi ordonnée comme la première bhikkhani du Sangha bouddhiste.
Le Bouddha n’avait pas consenti de son plein gré à la fondation de l’ordre des nonnes ; seule la contrainte morale d’accéder au désir de sa mère nourricière l’avait induit à abandonner son refus initial. Ce qu’il pensait de l’ordre des nonnes apparaît dans ce qu’il dit à Ananda lorsque ce dernier lui fit part de l’accord de Mahapajapati sur les huit points :
" Ananda, si les femmes n’avaient pas obtenu (le droit) d’entrer dans la vie sans demeure selon ce Dhamma et cette discipline, la vie sainte aurait duré longtemps, le véritable Dhamma aurait duré mille ans. Mais maintenant que les femmes ont ce droit, la vie sainte ne durera pas longtemps, le véritable Dhamma ne durera que cinq cents ans.
" Les maisons avec beaucoup de femmes et peu d’hommes sont une proie facile aux brigands et aux voleurs de trésors familiaux (et il en va de même d’un ordre où les femmes sont admises). Tout comme un champ de riz avec la brunissure et un champ de cannes à sucre attaqué par la rouille périssent (de même un ordre où il y a des nonnes). Tout comme un homme qui bâtit une digue pour la construction d’un réservoir de sorte que l’eau ne déborde pas, ainsi j’ai fixé ces huit règles pour les nonnes, Ananda ".
Mais les choses tournèrent mieux que le Maître ne les avait prophétisées. L’ordre des nonnes bouddhistes, en effet, s’éteignit au XIIème siècle mais la doctrine et l’ordre des moines survécurent de beaucoup aux cinq cents ans prophétisés et sont, aujourd’hui, toujours vivaces et vigoureux.
M Hans Wolfang Schuman
"le Bouddha historique"
Edit. Sully
A lire aussi : "Bouddha et les femmes" Suzan Murcott Edit. Albin Michel
Une vie monastique bien ordonnée
Si les moines observaient 217 règles, les nonnes de leur côté devaient se conformer à 311 préceptes dont les Huit Grandes Conditions. Ces Huit Grandes Conditions dont l’acceptation a été la condition préalable à l’ordination de Mahapajapati et à l’établissemerit de l’ordre des nonnes étaient
1. Une nonne, quand bien même elle serait ordonnée depuis cent ans, doit, devant tout moine, quand bien même il serait ordonné du jour même, le saluer respectueusement, se lever en sa présence, s’incliner devant lui et lui rendre tous les honneurs qui lui sont dus.
2. Une nonne ne doit pas passer la saison des pluies dans une region ou ne séjournent pas de moines.
3. A chaque demi-lune, une nonne doit s’adresser à l’ordre des moines en vue de deux choses : la date de la cérémonie uposatha, et le moment auquel les moines vont dire la prédication de l’Enseignement.
4. A la fin de la retraite de la saison des pluies, les nonnes doivent tenir pavarana devant les deux sanghas, celle des moines et celles des nonnes, pour savoir si aucune faute n’a été commise en fonction de ce qui a été vu, entendu ou suspecté à leur propos.
5. Une nonne qui s’est rendue coupable d’une faute grave doit se soumettre à la discipline marlatta devant les deux sanghas, celle des moines et celle des nonnes.
6. L’ordination majeure (l’initiation upasampada) ne peut être sollicitée devant les deux sanghas que lorsqu’une novice a observé pendant deux ans les six préceptes (les cinq premiers préceptes plus le précepte qui impose de ne prendre qu’un repas par jour avant midi).
7. En aucun cas il n’est permis à une nonne d’injurier ou d’insulter un moine.
8. Les nonnes n’ont pas le droit de réprimander les moines ; il n’est pas interdit aux moines de réprimander les nonnes.
Le terme bhikkhuni, même s’il désigne communément une nonne, s’applique en fait à une nonne ordonnée de puis 12 ans. A ce stade, elle pouvait alors demander à l’ordre le privilège de conférer l’ordination (vufthapana). Cela faisait d’elle une nonne apte à enseigner (upajjha)
Source : Bouddhisme Actualités
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