Méthodique et extrêmement consciencieuse, Tenzin Palmo avait commencé les pratiques préliminaires à Dalhousie puis au Lahoul, longtemps avant de se retirer dans sa grotte.
On répète ces pratiques des dizaines de milliers de fois afin d'assouplir l'esprit et de le préparer aux méditations ésotériques tantriques ultérieures. Durant sa retraite, elle les effectua à nouveau. Elle s'astreignit aussi à un jeûne total et, en une autre occasion, à un jeûne partiel tout en faisant les grandes prosternations et en chantant les louanges de Chenrézi, le Bouddha de la compassion aux mille bras. Les conditions extrêmes dans lesquelles elle vivait accrurent la difficulté physique et mentale de ces pratiques déjà très éprouvantes.
« C'était l'hiver et je n'avais pas les aliments appropriés à ces exercices. Je mangeais une nourriture trop lourde. Quand on fait un jeûne, il est préférable d'absorber des aliments à la fois légers et nutritifs. C'était donc physiquement très dur. J'avais des problèmes digestifs et j'étais devenue très faible. »
Elle raconte cela simplement, se refusant à de plus amples commentaires. Au niveau spirituel, les résultats furent étonnants : «L'esprit se purifie. Les prières sont très belles et l'esprit devient extrêmement clair et léger, ouvert et plein de foi. ».../
Quand elle n'effectuait pas les Préliminaires généraux, elle s'astreignait à la pure concentration, discipline méditative qui forme l'esprit à se concentrer sur un objet ou un thème précis sans interruption. On dit que les yogis sont capables de rester dans cet état pendant des jours, des semaines et même des mois, sans bouger, leur esprit totalement absorbé par la réalité intérieure. Ce type de concentration appelé samadhi est essentiel pour percer la nature de la réalité et découvrir la vérité absolue. C'est aussi un exercice extrêmement difficile car l'esprit est habitué à passer d'une pensée à une autre, d'un fantasme à un autre, à bavarder sans cesse avec lui-même, dépensant une énergie considérable à suivre un flot d'infinies vétilles.
Les maîtres tibétains comparent l'esprit à un cheval sauvage qui doit être bridé et harnaché. Lorsque l'énergie de l'esprit est captée et canalisée sur un point tel un rayon laser, son pouvoir est immense. Cette technique méditative est en fin de compte l'outil indispensable pour atteindre les recoins les plus secrets de l'esprit et révéler les prodigieux trésors qui y gisent enfouis.
« Pour qu'une pratique, quelle qu'elle soit, soit suivie d'effets, l'esprit qui médite et l'objet de méditation doivent se fondre. Au lieu de cela, la plupart du temps, ils se font face. La transformation n'a lieu que si l'on est totalement absorbé. La présence éveillée passe automatiquement de la tête au cœur. Et lorsque cela se produit, le cœur s'ouvre et il n'y a plus de "moi". C'est un grand soulagement. Quand on apprend à vivre à partir de ce centre plutôt que de la tête, tout ce que l'on fait est spontané et juste. Ce mode de fonctionnement libère immédiatement un grand courant d'énergie, qui n'est plus obstruée, comme elle l'est d'ordinaire, par notre propre intervention mentale. On devient alors plus joyeux et plus léger dans les deux sens du terme, parce qu'on revient à la source, le cœur, plutôt que d'être en exil dans la tête. L'approche scientifique moderne a accordé une telle importance au cerveau que nous sommes complètement coupés de cette réalité du cœur. C'est pourquoi tant de gens ont l'impression que la vie est stérile et dénuée de sens. »
Lorsque Tenzin Palmo eut terminé toutes les méditations préparatoires, elle en vint au cœur de sa pratique : le tantrisme proprement dit, c'est-à-dire le processus qui permet à la transformation préalablement opérée de devenir plein Éveil. Si le résultat final est proprement magique, les moyens d'y parvenir sont eux très astreignants. Pendant les mois et les années qu'elle passa en stricte retraite dans sa grotte, elle restait dans son caisson de méditation et suivait scrupuleusement le même emploi du temps.
Elle se réveillait à trois heures et demie du matin pour effectuer une première session de méditation de trois heures ; à six heures, elle prenait son petit déjeuner, thé et tsampa ; à huit heures, elle revenait dans son caisson pour une autre session de trois heures ; à onze heures, elle déjeunait et faisait une pause ; à trois heures, elle rentrait à nouveau dans le caisson pour effectuer une troisième session de trois heures ; à six heures, elle prenait du thé ; à sept heures, elle faisait la quatrième session de la journée ; et à dix heures, elle « se couchait » dans ce même caisson de méditation. Elle médita ainsi douze heures par jour, pendant des semaines et des années. Cette femme qui avait quitté le monde avait néanmoins un réveil pour calculer ses séances de méditation et menait une vie très disciplinée et structurée.
Jamais la succession de longues sessions de méditation ne l'ennuya :
« Parfois, je pensais que si je devais regarder le même programme de télévision quatre fois par jour, je me cognerais la tête contre les murs. Mais en retraite, un schéma se dégage. Au début, la méditation est très intéressante. Ensuite, on arrive à un moment où c'est à mourir d'ennui. Puis vient un second souffle où méditer devient de plus en plus fascinant jusqu'à ce qu'en fin de compte cela devienne beaucoup plus intéressant qu'au début. C'est ainsi que ça se passe, même si on fait la même chose quatre fois par jour pendant trois ans. Cela s'explique par le fait que le matériau sur lequel on médite livre peu à peu son sens, nous faisant découvrir graduellement des niveaux de signification de plus en plus profonds. De cette façon, à la fin de la méditation on est beaucoup plus impliqué qu'au début et on s'identifie totalement à ce matériau. »
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