dimanche 11 septembre 2011

Biographie de la Venerable Khandro Rinpoche

La Vénérable Khandro Rinpoché est la fille de Sa Sainteté Mindrolling Trichen, chef de l'école Nyingma du Bouddhisme tibétain, et l'un des lamas tibétains les plus renommés parmi ceux enseignant actuellement en Occident.

Elle est une exception, à savoir, un enseignant éminent du bouddhisme tibétain en étant une femme.

Née en 1967 dans la famille du prestigieux Mindröling Trichen, un chef religieux de haut rang dirigeant la plus ancienne lignée bouddhiste du Tibet, la lignée Nyingmapa, Khandro Tséring Paldrön a a été reconnue à l'âge de deux ans par Sa Sainteté le 16e Karmapa comme la réincarnation de la Grande Dakini de Tsurphu, une autre Tibétaine d'exception, Urgyen Tsomo. Cette dernière fut l'une des compagnes mystiques du 15e karmapa (1871-1922), dirigeant d'une prestigieuse lignée spirituelle du haut plateau, celle des Karma-Kagyüpas. Et Urgyen Tsomo était elle aussi perçue comme la manifestation de l'une des plus importantes figures féminines du Tibet, Yéshé Tsogyal, qui, au VIIIe siècle, avait été la compagne de Padmasambhava, l'un des principaux artisans de l'introduction de la religion indienne par-delà l'Himalaya.


La famille de Khandro Rinpoché est réputée non seulement pour ses maîtres spirituels masculins, mais aussi pour avoir donné régulièrement naissance à des maîtres féminins. Le monastère d'hommes de Mindröling, siège spirituel de la lignée à laquelle son père appartient, est ainsi au fil du temps devenu indissociable de la nonnerie de Samten Tsé, bâtie non loin de là par la première des grandes figures féminines du lieu, Jétsun Mingyur Paldrön (1699-1774).


Rares sont les réincarnations féminines dans l'univers tibétain, mais rares aussi sont les femmes reconnues comme des maîtres spirituels. Quelques-unes étaient célèbres mais la plupart vivaient dans l'ombre d'un maître. Ces femmes ne pouvaient être que compétentes, au contraire des hommes auxquels on reconnaissait tacitement le droit d'avoir des faiblesses, sexisme ambiant oblige. Khandro Rinpoché est donc un personnage hors du commun à double titre.

La présente Khandro Rinpoché en est venue à détenir les lignées des écoles Nyingma et Kagyu.

Elle est reconnue comme une des manifestations humaines d'une « dakini », khandro en tibétain. Elle est celle qui « vogue dans l'espace » et si la tradition a parfois pris l'expression au pied de la lettre, elle renvoie en fait à une des dispositions naturelles de l'esprit, celle de l'espace intérieur, radieux, vaste et sans limites.

Elle pourrait presque être tenue pour militante de la cause féministe. Elle connaît bien la discrimination socioculturelle que l'on retrouve dans le bouddhisme. Son rang et sa famille pourraient laisser penser qu'elle a bénéficié de privilèges. En réalité, il lui a parfois fallu insister pour obtenir les enseignements qu'elle souhaitait recevoir.

Khandro Rinpoché a reçu des enseignements et des transmissions de certains des maitres les plus accomplis du XXe siècle, y compris S.S. le Dalaï-Lama, S.S. Mindrolling Trichen, S.S. Dilgo Khyentse Rinpoché, S.E. Trulzhig Rinpoché, S.E. Tenga Rinpoché, S.E. Tsetrul Rinpoché et S.E. Tulku Ugyen Rinpoché.

Rinpoché enseigne dans le monde entier depuis douze ans. Elle enseigne de manière extensive en Europe et en Amérique du Nord, délivrant des enseignements des écoles Kagyu et Nyingma. C'est également elle qui a établi et dirige le Centre de Retraite Samten Tse à Mussoori, en Inde, qui offre un lieu d'études et de retraite pour pratiquants occidentaux, qu'ils soient monastiques ou laïques - là, étudiants d'Orient et d'Occident vivent ensemble dans une communauté spirituelle. 45 nonnes et 25 étudiants occidentaux sont actuellement résidents à Samten Tse.

Rinpoché dirige également divers projets caritatifs ainsi que des projets d'éducation et de bourses bouddhistes, offrant aux pratiquants occidentaux - monastiques et laïques - la chance de travailler côte à côté dans une multitude de situations stimulantes. Il s'agit par exemple de projets pour les soins et l'éducation à la santé dans des régions reculées, tel que le projet de léproserie, et le Dharmashri Journal, un journal regroupant des écrits de maitres tibétains. Rinpoché est également impliquée de façon active dans le monastère Mindrolling en Inde.

En 2003, le premier livre de Khandro Rinpoché, intitulé This Precious Life: Tibetan Buddhist Teachings on the Path to Enlightenment ("Cette précieuse vie : Enseignements du Bouddhisme Tibétain sur le Chemin vers l'Eveil"), a été publié par Shambhala Publications (en anglais).

Le fait que Khandro Rimpoche soit l'héritière de deux lignées est déjà extraordinaire en soi. Que le maitre dont elle est le tulku reconnu ait été une femme démontre qu'il y a des femmes réalisées dans le bouddhisme tibétain, ce dont on pourrait douter vu l'absence de références les concernant.

Que son père l'ait jugée digne de transmettre son enseignement est d'autant plus intéressant dans le contexte culturel tibétain où, comme en Chine et en Inde, les femmes se voient répéter que la meilleure chose qui puisse leur arriver est de renaitre en homme pour qu'enfin elles puissent "vraiment" pratiquer sérieusement...


L'existence même de Khandro Rimpoche dément ce genre de préjugés qui, nous ne le répéterons jamais assez, se révèle être un obstacle de taille pour les pratiquantes qui ne peuvent, dans ces conditions, que douter d'elles-mêmes.

vendredi 9 septembre 2011

Jetsun Khandro Rinpoche : La responsabilite de l'individu face au monde

Maître spirituel d'exception, très tôt reconnue comme la réincarnation d'une autre Tibétaine d'exception, elle enseigne un bouddhisme qui est le contraire de tout verbiage.

«Bonjour ! On m'a demandé de parler des fondements du bouddhisme... Je ne sais pas trop ce que cela signifie ! » Petite, la voix claire, le ton assuré, le regard vif, Khandro Rinpoché éclate de rire. Elle n'est assurément pas une Tibétaine ordinaire. Considérée comme un tulkou, un maître spirituel réincarné, elle est aussi un des très rares maîtres féminins du bouddhisme de rite tibétain, et même du bouddhisme dans son ensemble.

Si, d'un point de vue bouddhiste, il n'existe pas de formation particulière pour que l'on reconnaisse une quelconque maîtrise spirituelle à quelqu'un, il n'en est pas ainsi des tulkous. Supposés avoir déjà, lors de leurs vies passées, pratiqué suffisamment de techniques intérieures (méditations et yoga) et réalisé fondamentalement, au moins, ce qu'est la nature ultime de l'esprit, ceux-ci naissent porteurs d'un bagage spirituel plus ou moins important, selon le degré de pureté qui leur est reconnu. Les plus élevés spirituellement manifestent généralement les qualités propres à l'esprit dit « éveillé », c'est-à-dire libre de toute forme de concepts liés au « soi » : compassion sans discrimination, connaissance ultime, énergie... Leur vie est entièrement dédiée au bien de tous. Particularité du monde bouddhiste de rite tibétain, ces maîtres spirituels sont devenus des institutions en formant des lignées d'incarnations avec leurs monastères et leurs réseaux de bienfaiteurs.

Sourires et rires émaillent les sessions d'enseignement que Khandro Rinpoché dirige mais les sourires peuvent parfois être grimaçants. « À partir du moment où l'on se lève le matin, dit-elle, jusqu'au moment où l'on se couche le soir, on fait quantité d'actions : on bouge, on pense, on parle. Mais le soir venu, si l'on regarde dans la paume de sa main, qu'a-t-on récolté ? Quel est le bien que nous avons fait ? Voilà la question qu'il faut se poser ! » Dans sa bouche, le bouddhisme n'apparaît donc pas comme un discours mais, au contraire de tout verbiage, comme une action permanente tournée à la fois vers soi-même (que suis-je ?) et vers autrui (que puis-je apporter ?).

Systématiquement, Khandro Rinpoché renvoie à cette responsabilité de l'individu face au monde : « Vous êtes bouddhistes ? Alors qu'avez-vous fait aujourd'hui pour les autres ? », peut-on l'entendre dire. Femme, elle s'adresse à ses semblables partout où elle enseigne. Religieuse, elle porte une attention particulière aux nonnes occidentales ou tibétaines qui sont ses disciples, quitte, parfois, à leur réserver un temps d'entretien. Sexisme ? Non, simplement le rappel d'une évidence qu'elle martèle dès qu'on lui en donne l'occasion : « Quand les femmes entrent dans la communauté monastique bouddhiste, quelque part au fond d'elles, elles se disent : "Peut-être que je ne serai pas traitée avec égalité parce que je suis une femme." À cause de cette attitude, on fait une chose toute simple : quand on entre dans un temple, on se demande si l'on s'assied au premier ou au dernier rang. Celles qui ont de la fierté se disent : "Je suis une femme !" et se ruent au premier rang ; celles qui ont moins confiance en elles se dirigent immédiatement vers le dernier rang... Nous devons réfléchir à cela, examiner cette manière de penser et de se comporter. Les fondements et l'essence du bouddhisme sont au-delà de cette discrimination. » En bref, même si le contexte réserve la meilleure place aux hommes, c'est aux femmes elles-mêmes de ne pas entretenir la discrimination et de rappeler qu'elles sont avant tout des êtres humains et que le potentiel spirituel est le même pour tous.

Un ermitage au cœur de l'Himalaya

Un des problèmes que Khandro Rinpoché connaît bien est celui des limites imposées à la pratique spirituelle des femmes. En 1993, elle remet en place, en Inde, le monastère de Samten Tsé, non loin du nouveau monastère de son père, Mindröling, reconstruit à côté de Mussoorie (Uttarakhand), dans les contreforts de l'Himalaya. Le fait qu'elle dirige ce monastère ne se limite pas au symbole. Parce qu'elle le veut ainsi, Samten Tsé est d'abord un ermitage ouvert à toutes les pratiquantes bouddhistes désireuses d'y faire des retraites spirituelles de manière, à terme, à créer une communauté de religieuses et de laïques, asiatiques et occidentales. Sous son impulsion, Samten Tsé est un lieu où les femmes peuvent accéder aux mêmes enseignements que les hommes, et comme eux, les mettre en pratique dans des conditions optimales.

Si le discours de Khandro Rinpoché s'inscrit dans la tradition des maîtres féminins du bouddhisme tibétain, il n'est plus confiné à leur entourage ou aux quelques vallées qui bordent leurs monastères ou leurs ermitages. Le modernisme et les moyens de communication permettent aujourd'hui à ce maître spirituel de porter haut et clair à travers le monde les principes d'égalité du bouddhisme.

Source : Le Monde des Regligions  No 27 :
              Article par Deshayes Laurent

mercredi 7 septembre 2011

Khandro Rinpotche : La revolution tranquille des moniales a commence

Khandro Rinpotché est une des rares femmes tibétaines à être considérée comme maître spirituel. Appréciée en Occident pour sa chaleur et son style d’enseignement direct et pénétrant, elle a expliqué à Pierre-Yves Ginet que la situation des nonnes était en train de changer.
La place des femmes paraît actuellement assez limitée dans la communauté bouddhiste tibétaine. Vous êtes probablement le maître féminin le plus éminent de notre temps. Quelles sont vos remarques sur ce sujet.

Si on se réfère à l’histoire, c’est vrai, il n’y a eu que peu de maîtres importants qui étaient des femmes. Mais si l’on considère la contribution des femmes au bouddhisme tibétain, alors il me semble que leur place est beaucoup plus importante qu’il n’y paraît. Dès l’origine du bouddhisme au Tibet d’ailleurs, puisque Yeshé Tsoguial était la principale disciple de Padmashambava : nos enseignements ne seraient pas ce qu’ils sont sans son rapport. S’il y a eu moins de grands Tulkous femmes, je crois que c’est surtout dû au fait que la société tibétaine, comme toutes les sociétés orientales, a toujours été dominanée par les hommes : dans un monde patriarcal, les femmes doivent se battre davantage pour atteindre le même résultat que les hommes.

Je suis un tulkou, issue d’une famille très respectée, mais même pour moi, parfois, en tant que femme, je me heurte à certaines réticences. Alors j’imagine ce que cela peut être pour des femmes qui n’ont pas ma situation et mon histoire. Je pense que la mentalité tibétaine, globalement, accepte désormais l’idée que les femmes peuvent être de très bonnes pratiquantes, mais il y a toujours une certaine retenue face à des tulkous femmes : les Tibétains doutent encore que des femmes puissent être de très grands maîtres. Certains refusent aussi, pour de multiples raisons plus ou moins cachées, l’idée qu’une femme puisse atteindre l’Eveil dans un corps de femme, au cours de son existence.

Ceci dit, en reprenant l’histoire, on note tout de même qu’il y a eu un certain nombre de Tulkous femmes, surtout dans la tradition Kagyu, même si les écoles Sakya et Nyingma ont également fourni des maîtres féminins d’importance. Hormis ces Tulkous, il faut également souligner que nombre de grands maîtres, et en particulier dans la lignée de mon père, Mindruling Rinpotché, ont eu des filles très actives, parfois exceptionnelles, qui ont joué un rôle considèrable pour faire perdurer la doctrine et les enseignements.

Chaque génération, à chaque époque, a en fait connu des femmes qui ont joué un rôle primordial pour la propagation de la tradition. Avant 1949, il y avait un nombre considérable de moniales et de couvents, même si ce fait est peu connu. Ces centres d’études étaient de grande qualité, probablement plus qu’ils ne l’avaient jamais été. Avec l’invasion chinoise, beaucoup de nonnes ont du quitter ces enceintes. Beaucoup ont choisi l’exil. A la fin des années cinquante et au début des années soixante, la situation des réfugiés tibétains était extrêmement difficile et, pour survivre, certaines nonnes sont revenues à la vie laïque, ont fondé une famille.

A la fin des années soixante-dix, la vie devenant moins délicate en exil, certains grands maîtres, dont le XVIème Karmapa et Dilgo Khyentse Rinpotché, ont encouragé de façon très vive la "renaissance" des nonnes. J’étais encore très jeune mais je me rappelle très bien les propos du Karmapa, chaque fois que nous le rencontrions : il disait toujours que l’avenir des nonnes était essentiel pour notre société.

Les années quatre-vingt furent marquées par un grand renouveau des moniales, en exil comme au Tibet. Cela perdure encore aujourd’hui. Les nonnes sont de plus en plus nombreuses et les enseignements qu’elles reçoivent sont de bien meilleure qualité. Cela reste bien sûr difficile, dans une société toujours dominée par les hommes, mais je crois que globalement, la communauté tibétaine, laïque et religieuse, soutient cet essor des moniales.

La plupart des maîtres, hommes ou femmes, gardent les moines et les nonnes auprès d’eux pour la vie. Je crois que cela devrait changer. Après une quinzaine d’années d’enseignement auprès d’un maître, une nonne devrait le quitter pour partir vers un autre couvent, propager ce qui doit l’être, et devenir cet exemple vivant qui serait beaucoup plus efficace que de grands discours pour la communauté qui l’accueillera. Mais ce mouvement ne doit pas seulement être de la responsabilité des maîtres. Il doit aussi être impulsé par les moniales. C’est mutations prendront sans doute encore du temps, même si le mouvement s’accélère depuis quelques années, mais encore une fois, je suis très optimiste sur ce qui va se passer à ce sujet dans les années à venir.

Oui, mais aujourd’hui dans les couvents la plupart des maîtres ou des oumzés sont des hommes.

C’est exact. Si vous placez un homme à ces responsabilités dans un couvent pour une période restreinte, cela peut être bénéfique. Mais si c’est façon permanente, je ne crois pas que cela soit souhaitable. Là, c’est évidemment du ressort des maîtres.

En tant que Rinpotché, quelles relations avez-vous avec les Tulkous hommes ? Font-ils une différence du fait que vous soyez une femme ?

Maintenant ils sont probablement habitués. Je ne vous cacherais pas que parfois, avec quelques rares personnes, je vis encore des situations assez amusantes. Mais c’est très rare. Aujourd’hui, j’ai vraiment l’impression qu’il y a beaucoup de sympathie à mon égard. Au début, je pense qu’ils étaient surtout gênés, car c’était la première fois qu’ils étaient confrontés à cette situation et ils ne savaient pas comment se comporter. Mais j’insiste, cela ne génère jamais quelque chose de très important, juste des petits quiproquos sans importance.

Propos recueillis par Pierre-Yves Ginet
Source : Bouddhisme Actualités

dimanche 4 septembre 2011

La venerable Khandro Rimpoche – la violence chez les adolescents


Si les médias occidentaux révèlent chaque jour davantage les actes violents perpétrés par certains adolescents et jeunes adultes, est-ce propre aux pays occidentaux ou cette violence parcourt-elle le monde ? Quels en sont les principaux facteurs et quelles réponses peut apporter le bouddhisme pour tenter de l’endiguer. 



Comment éradiquer la violence chez les jeunes par sakiamuni