« Les éditions Indigène ont publié le 17 octobre mon nouveau livre sur les immolations par le feu de 126 Tibétains.
C’est mon deuxième ouvrage publié en français. Le premier Mémoire interdite, Témoignages sur la Révolution culturelle au Tibet est paru chez Gallimard en 2010. Mais il y a une différence entre les deux livres : Immolations au Tibet : La honte du monde a été écrit spécialement à la demande des éditions Indigène, ce qui signifie que son premier lecteur est français et j’en éprouve une émotion particulière.
J’ai commencé à écrire ce livre en avril et bien qu’il compte à peine 48 pages, j’y ai consacré deux mois intenses. Je ne connaissais pas auparavant les éditions Indigène, mais grâce aux liens qui nous unissent, j’ai lu Indignez-vous ! livre tout empreint d’un courage et d’une force qui m’ont stimulée. Les éditions Indigène s’inquiètent des immolations des Tibétains, et en particulier du silence de tous alors qu’un si grand nombre de Tibétains perdent leur vie dans les flammes, aussi espèrent-elles grâce à ce livre alerter le monde. Cependant, il n’est pas facile de se faire entendre, on n’y peut rien : 126 Tibétains ont fait l’offrande de leur précieuse vie dans les flammes pour protester, mais quelques soient les langues dans lesquelles il en a été fait le récit et la critique, le résultat a été bien maigre.
En réalité, pendant que j’écrivais ce livre, pendant qu’il était à l’impression, des Tibétains brûlaient encore leur corps pour exprimer leur inflexible opposition, c’est pourquoi je n’ai tenu compte que de 125 immolations dans mon rapport. Je peux donc ici compléter ce cruel constat : suite aux protestations de 2008 qui ont eu lieu sur l’ensemble du haut plateau tibétain et à la féroce répression du gouvernement chinois, un Tibétain s’est immolé en 2009, quatorze Tibétains se sont immolés en 2011, quatre-vingt-six en 2012, et vingt-cinq en 2013.
Dans l’édition française de ce petit livre, je m’efforce de donner une explication à ces immolations successives, j’en donne une analyse poussée et je fais sans détour le procès des responsabilités. Naturellement, mes critiques pointent l’injustice des autorités communistes et les compromissions iniques du reste du monde.
Je rapporte la position du grand artiste et de l’admirable défenseur des Droits Humains qu’est Ai Weiwei : « Le Tibet fait subir un interrogatoire extrêmement sévère à la Chine, aux droits humains de la communauté internationale et aux normes de la justice. Personne ne peut y échapper ni ne peut l’esquiver. Actuellement, le déshonneur et la honte frappent tout le monde. » Les éditions Indigène ont souhaité qu’Ai Weiwei fasse la maquette de la couverture de ce petit livre. Voici ce qu’il m’a répondu lorsque je lui en ai fait la demande : « J’accepte pour les Tibétains de travailler pour ton livre. La signification des immolations, que ce soit d’un point de vue philosophique ou religieux, dépasse toute tentative d’explication ou de discours existants. On considère généralement que les motifs politiques en sont directement la cause… je veux encore essayer… même si je suis conscient qu’il y a de quoi être désespéré. »
La couverture conçue par Ai Weiwei est émouvante : le nom de chacun des immolés y est inscrit en tibétain et, au milieu, figurent de puissantes flammes empreintes de la beauté du don et d’une souffrance tragique. Sa blancheur a la pureté des khata tibétaines, en offrande à tous les immolés. Merci Ai Weiwei ! »
Tsering Woeser
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