lundi 14 février 2011

Ayya Khema, une très grande dame


Ayya Khema est une très grande dame qui a laissé, à un niveau international, une empreinte mémorable dans la tradition du Théravada, notamment pour les nonnes.

Rappelons que le Théravada - la voie des Anciens - s'appuie sur les textes d'origine du bouddhisme, le "Tripitaka", écrit enpâli, la langue parlée en Inde à l'époque du Bouddha. Les termes familiers provenant du bouddhisme tels que dharma, karma, nirvana, sutra, etc. sont des mots sanscrits, leur équivalent pâli étant dhamma, kamma, nibbana, sutta, que nous retrouverons ci-dessous.

Ayya Khema connut une existence particulièrement mouvementée, mais sans l'avoir cherché précise-t-elle dans son autobiographie (parue en anglais et en allemand) dont le titre résume à merveille la simplicité et la clarté de sa parole :'I give you my life" : "Je vous donne ma vie".

Née à Berlin en 1923 de parents juifs, elle dut quitter l’Allemagne nazie en 1938 avec un transport de deux cents autres enfants et fut emmenée à Glasgow en Ecosse. Ses parents partirent pour la Chine et, deux ans plus tard, Ayya Khema les rejoignit à Shanghai. Au début de la guerre, cependant, la famille fut mise dans un camp de prisonniers de guerre japonais, et c’est là que son père mourut.

Quatre ans après la libération du camp par les Américains, Ayya Khema eut la possibilité d’émigrer aux Etats-Unis. Elle y connut la vie de mère au foyer entre son mari et ses deux enfants. Elle sentit que quelque chose d'essentiel lui manquait, ce fut le début d'une longue quête qui la mena en Amérique du Sud, au Pakistan, en Inde et finalement en Australie où elle rencontra la tradition bouddhiste du Théravada, la voie des Anciens qu'elle reconnut immédiatement comme sienne.

Elle s'y consacra entièrement et commença quelques années plus tard à enseigner elle-même la méditation à travers l’Europe, l’Amérique et l’Australie. Elle se rendit en 1979, au Sri Lanka où elle reçut l’ordination de nonne bouddhiste, sous le nom de Khema, qui signifie en pâli sûreté et sécurité (Ayya voulant dire Vénérable).

En 1978, elle établit Wat Buddha Dhamma, un monastère de la forêt selon la tradition Théravada, près de Sydney, en Australie.

A Colombo, elle fonda le Centre international des femmes bouddhistes comme centre d’entraînement pour les nonnes du Sri Lanka, et l’Ile des nonnes de Parappuduwa pour les femmes désirant s'initier à la vie religieuse.
Elle rencontra un vieux maître de méditation qui lui confirma qu'elle pouvait et devait enseigner en Occident non seulement la pratique du Vipassana — la vigilance à l'instant — , mais également les états d'absorption (c'est-à-dire des états de félicité atteints par une intense concentration) tels que pratiqués et enseignés par le Bouddha et tombés dans l'oubli. Ce à quoi elle s'employa jusqu'à sa mort.

Cette méthode qui permet au méditant de connaitre rapidement des états de béatitude qui l'encouragent dans sa pratique a rencontré un très vif succès en Occident, et Ayya Khema dut bientot passer de plus en plus de temps à animer des sessions de méditation partout en Occident.

C'est alors que la guerrilla tamoule tuait le fondateur et protecteur du centre de l'ile de Parappuduwa. L'insécurité interdisant le développement du centre et la venue de postulantes occidentales, Ayya Khema décida d'accepter l'invitation qu'elle avait reçue de méditants allemands et de revenir dans son pays d'origine où elle créa en 1989 un centre de méditation, le Buddha Haus

Consciente des difficultés que rencontraient les femmes qui voulaient devenir nonnes bouddhistes, elle organisa en 1987 la première conférence internationale des nonnes bouddhistes dans l’histoire du bouddhisme, ce qui entraîna la création de Sakyadhita une organisation mondiale des femmes bouddhistes. Sa Sainteté le Dalaï Lama prononça le discours d’ouverture de la conférence.
En mai 1987, comme conférencière invitée, elle fut la première bouddhiste à avoir jamais pris la parole aux Nations Unies à New York.

En 1988, elle reçut, par la tradition chinoise du Mahayana, l'ordination complète.

Elle a écrit de nombreux livres en anglais et en allemand sur la méditation et les enseignements du Bouddha. Citons : ’ ll of us". "Here and now", "When the iron eagle flies". En 1988, son livre "Being Nobody, Going Nowhere" a reçu le prix commémoratif Christmas Humphreys, une distinction pour la littérature bouddhiste.


En Français, un seul ouvrage d'elle a été traduit : "Etre une île.", il s'agit d'enseignements donnés à lors de sessions de méditation dans l'ile des nonnes de Parappuduwa.

Elle a quitté ce monde le 2 novembre 1997."….

Extrait : Bouddhisme au feminin

Ayya Khema - Biographie

Sylvia Kolk


Sylvia Kolk qui est chercheur dans le domaine de l'éducation, a été autorisée à donner des enseignements par la Ven. Ayya Khema.

Elle met l'accent sur l'intégration de Samatha (Concentration) et de Vipassana (Vision pénétrante) comme fondement de l'amour et de la compassion.

Elle vit à proximité de Kiel et a fondé un centre bouddhiste à Hambourg en l'année 2003.

"J'entends mettre l'accent sur l'intégration de Samatha (Concentration) et Vipassana (Vision pénétrante) comme fondement de l'amour et de la compassion. Je suis préoccupée en outre par la compréhension de la philosophie bouddhistes dans le contexte de pensée occidentale ainsi que par un accompagnement spirituel de qualité. Une interprétation féminine des enseignements bouddhistes me tient particulièrement à cœur
Source : Buddhistwomen.Eu

Ayya Khema - Commitment

mercredi 9 février 2011

Soeur Prune : Les retraites pour les jeunes au Village des Pruniers

Soeur Prune nous fait partager la pratique de la « pleine conscience » dans les retraites pour des jeunes qu'elle anime au Village des pruniers, fondé par le grand maître zen vietnamien Thich Nhat Hanh.

mardi 8 février 2011

Soeur Chan Kong, une Boddhisattva pour notre temps



Soeur Chan Khong, fondatrice avec son maitre le vénérable Thich Nhat Hanh du Village des Pruniers.

Il y a des vies qui sont des enseignements, et certainement celle de soeur Chan Khong en est un.

Arnaud Desjardins écrit au dos de son autobiographie "La Force de l'Amour" (voir livres) qu'elle est à la fois reportage de guerre et témoignage que seul l'amour est plus fort que la violence. Un livre qui, ajoute-t-il, nous donne une haute idée de la femme.

Thich Nhat Hanh écrit en introduction de ce même ouvrage qu'il permet de découvrir que soeur Chan Khong est un véritable bodhisattva, et il est vrai qu'on demeure émerveillé devant la somme de compassion en action que soeur Chan khong a déployée tout au long de sa vie et particulièrement dans les terribles circonstances de la guerre du Vietnam.

Quelle force intérieure et quelle humilité. Sans ce livre qui répondait à une demande d'amis, on n'aurait rien su d'elle ; en effet, elle demeure toujours en retrait, fidèle et discrète derrière Thich Nhat Hanh qu'elle a accompagné et soutenu dans tous ses combats.

Sur le site du célèbre village des Pruniers on trouve bien sûr une biographie de Thich Nhat Hanh , mais le seul endroit où nous ayions trouvé mention de soeur Chan Khong concerne l'aide qu'il est possible d'apporter au Vietnam où tant de gens sont toujours dans des situations très difficiles.

Née en 1938, Soeur Chan Khong vient d'une famille qui pratiquait la générosité et l'aide aux autres comme quelque chose d'évident et de naturel, et c'est aussi tout naturellement,alors qu'elle n'est encore qu'une adolescente, qu'elle prend l'habitude de se rendre dans un bidonville pour aider les pauvres gens. Dès qu'elle rencontre Thich Nhat Hanh, elle le reconnait comme le maître spirituel qu'elle cherchait et s'engage très activement à ses côtés dans des actions pour un changement social, notamment en fondant l'Ecole de la jeunesse au service social (EJSS). C'est alors que le gouvernement au pouvoir, chrétien et lié aux occidentaux, se met à persécuter les bouddhistes de la façon la plus aveugle. Des moines et des nonnes s'immolent par le feu...

Soeur Chan Khong raconte son action incessante, tout au long de la guerre effroyable qui va opposer le Nord et le Sud, pour arrêter l'horreur et aussi les occasions perdues de dialogue et de paix. Quand on prend connaissance par une actrice directe des drames qui se jouent et qui résultent de l'escalade implacable de la violence et de la guerre, on mesure avec horreur le fossé qui sépare les dirigeants enfermés dans leurs schémas mentaux simplistes de la réalité de la souffrance quotidienne des gens. Et cette tragédie se répète encore et encore...

La guerre s'intensifie, soeur Chan Khong et d'autres jeunes femmes et hommes s'efforcent au péril de leur vie d'aider les villages bombardés.
Elle raconte : "Le village de Tra Loc fut bombardés et les travailleurs de l'EJSS nous racontèrent que l'intensité de la colère et de la haine était très élevée parmi les paysans. Ils décidèrent d'aider les paysans à reconstruire leurs maisons. Après plusieurs mois d'efforts communs, les bombes tombèrent à nouveau, détruisant tous leurs efforts. La terreur, la haine et le désespoir étaient partout. Nos amis rassemblèrent leur courage et une nouvelle foi aidèrent à la reconstruction des maisons, des écoles et du centre de soins. Puis d'autres bombardements, réduisirent leurs efforts en cendres. Après un quatrième bombardement, il leur devint vraiment difficile de garder leur sérénité. Tous voulaient attraper un fusil et se battre. Mais grâce à la pratique de la méditation et de la compréhension profonde, ils se rendirent compte que prendre les armes ne feraient qu'empirer les choses, alors ils se remirent au travail pour manifester leur soutien, leur amour et leur attention envers ceux qui souffraient tant."

Par la suite, l'EJSS qui restait suspecte aux yeux du gouvernement en place subit des attentats, des grenades furent jetés dans les dortoirs en pleine nuit. Dix-huit personnes furent tuées ou grièvement blessées. Après une journée de pratique de méditation solitaire, Soeur Chan Khong écrivit le texte suivant qui fut lu aux funérailles : "Nous n'avons aucune haine contre vous, vous qui avez jeté ces grenades et tué nos amies, parce que nous savons que les hommes ne sont pas nos ennemis. Nos seuls ennemis sont le manque de compréhension, la haine, la jalousie, le malentendu et l'ignorance qui conduisent à de tels actes de violence. Permettez-nous de faire disparaître ce malentendu pour que nous puissions travailler ensemble pour le bien du peuple vietnamien. "

Elle risque la mort à de nombreuses reprises et connait la prison où elle pratique la méditation marchée. Quand elle est arrêtée, elle se concentre sur sa respiration et évoque le Bouddha Avalokitesvara. A chaque instant, quelle que soit la situation, elle s'efforce de mettre en pratique l'enseignement bouddhique.

Une amie très chère s'immolera par le feu pour demander la paix et elle en éprouvera une très grande douleur.

Et puis, ce sera l'exil et le drame bouleversant des boat people qui fuient le Vietnam et qu'elle aidera de toutes ses forces, en même temps que se développera aux Etats-Unis un intérêt pour l'enseignement de Thich Nhat Hanh qui invite les vétérans du Vietnam à guérir leurs blessures par la pratique de la Pleine Conscience.

Le village des Pruniers voit le jour, et depuis, Soeur Chan Khong continue à pratiquer la respiration profonde tout en envoyant inlassablement colis et médicaments pour soulager des détresses.

Après 39 années d'exil, et de longs pourparlers, Thich Nhat Hanh a été accueilli par le gouvernement communiste en 2005 au Vietnam, soeur Chan Khong, toujours aussi discrète et effacée, l'a évidemment accompagné dans cette visite historique (ainsi qu'une centaine de moines et de nonnes et d'une sangha laïque). Depuis, les relations avec le Vietnam restent difficiles, un monastère créé par Thich Nhat Hanh a été saccagé et les nonnes et les moines dispersés.

Courage, bonté , dévouement inlassable, soeur Chan Khong incarne pour nous la compassion féminine d'une Kwan yin...

Repères historiques :
1858 : Les Français débarquent à Danang (port du centre)
1867 : La Cochinchine (Sud) devient colonie française.
1883 : L’Annam (centre) et le Tonkin (Nord) sont mis sous protectorat français.
1945 : L’indépendance du Vietnam est proclamée par Ho Chi Minh à Hanoi le 2 septembre 1945.
1946 : Tentative française de rétablir son autorité et début de la première guerre du Vietnam
1954 : Le 7 mai 1954, Dien Bien Phu tombe, Le 20 juillet 1954, les accords de Genève sont signés reconnaissant l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité du Vietnam. Le 17ème parallèle sera une ligne de démarcation militaire et des élections générales devront avoir lieu sur l’ensemble du pays pour le réunifier.
1956 : Ngo Dinh Diem, président à Saigon, soutenu par l’administration américaine, refuse les élections prévues par les accords. Les premiers conseillers militaires américains débarquent dans le sud et la 2ème guerre du Vietnam commence.
1968 : L’intervention américaine atteint le chiffre de 500 000 G.I sur place. 7 millions de tonnes de bombes sont larguées, soit 3 fois plus que sur toute l’Europe durant la deuxième guerre mondiale.
1973 : Signature des accords de Paris. Le retrait des troupes américaines débute.
1975 : Offensive du printemps. Fin du régime de Saigon le 30 avril 1975.
1976 : Le Vietnam est officiellement unifié et prend le nom de république Socialiste du Vietnam. Saigon redevient Ho Chi Minh ville (nom voté par la 1ère Assemblée Nationale en 1945).


La force de l'amour par Soeur Chan Kong
"Vivre en bouddhiste, ce n'est pas seulement s'asseoir immobile en méditation et transcender le monde de la souffrance. C'est unir indissolublement la sagesse et la compassion, une compassion qui ne se contente pas de paroles apaisantes et de voeux pieux. A l'exemple de son maître Thich Nat Hanh, Soeur Chan Khong est une contemplative — une mystique même — et une femme d'action, en France aujourd'hui, mais d'abord au coeur des haines et des combats contre les troupes françaises puis américaines qui ont ravagé sa patrie, le Vietnam. Il est difficile de préciser ce qu'on appelle un bon livre, mais voici certainement un beau livre". " Arnaud Desjardins (extraits du texte figurant au dos du livre)

Soeur Chan Khong - guerre conflit et guérison


Sagesses Bouddhistes - Guerre, Conflit et Guérison
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lundi 7 février 2011

Soeur Gina, abbesse au Village des Pruniers


Toute communauté a besoin d’un guide et, au Village des Pruniers, dans chacun des trois hameaux, ce guide est l’abbé ou l’abbesse. A Loubès-Bernac, au monastère des nonnes, la mère abbesse s’appelle Gina.

Si on devait, en un seul mot, définir l’impression que produit cette jeune femme au premier regard, le mot le plus adéquat serait sans doute "calme" ou peut-être "équanimité" . Tout en elle est mesuré, ses gestes, sa façon de marcher, de parler, comme si elle était en permanence habitée par cette Pleine Conscience à laquelle, ici, tous aspirent. Le fait d’être abbesse ne la dispense pas de participer aux travaux communs, à la cuisine, à la vaisselle ou au jardin. Elle aime par-dessus tout, dit-elle, à repiquer des plants de salade et elle connaît bien les subtilités du jardinage biologique. Elle habite ici mais elle voyage aussi beaucoup. Lorsque nous l’avons rencontrée, elle revenait d’Allemagne et, lors de notre prochain passage aux Pruniers, elle était en Israël où elle conduisait des retraites. Ce pays a tellement besoin de paix que, deux fois par an, la communauté y organise des retraites qui sont de plus en plus suivies et qui s’adressent aussi bien aux Palestiniens qu’aux Israéliens.

Soeur Gina est heureuse ici, elle le dit et cela se voit. On voit aussi que cette femme en apparence si calme est une passionnée. C’est sans doute pour cela que son témoignage est tout particulièrement vivant. Il s’agit d’un de ces témoignages qui méritent d’être transcrit d’un bout à l’autre.

" Quand j’avais sept ans, se souvient-elle, je voulais déjà être religieuse. Soeur catholique car, en ce temps-là, je ne connaissais pas autre chose. Ma mère était Irlandaise, mon père Hollandais et nous vivions aux Pays-Bas.

Le dimanche matin, lorsque nous voulions aller à la piscine, ma mère nous disait : "Allez-y. Moi je vais à l’église pour tout le monde : Elle ne disait pas cela pour nous faire des reproches ou nous culpabiliser. Sans le savoir, elle vivait déjà l’inter-être que nous essayons de pratiquer ici. Elle nous disait toujours que nous devrions aimer nos voisins comme nous-mêmes. C’était une vraie chrétienne qui nous a appris à aimer au lieu de nous demander d’aller à l’église tous les dimanches.

Donc je voulais être soeur mais lorsque j’ai eu douze ans, j’ai commencé à regarder autour de moi et j’ai constaté que les prêtres, les religieux et les religieuses de l’Eglise catholique ne vivaient pas vraiment la vie à laquelle j’aspirais. J’avais déjà une foi exigeante. Je ne me sentais jamais seule parce que Dieu était toujours à mes côtés, surtout lors des interminables promenades que je faisais dans les forêts des alentours.

Un jour, au catéchisme, la maîtresse nous a demandé de décrire Dieu. Mon tour venu, j’ai dit : "Mais je ne peux pas décrire Dieu ! Il me faudrait décrire tout l’univers et je n’ai pas assez de mots pour cela : la maîtresse a affirmé que je n’étais pas une bonne catholique.

Donc, depuis mon enfance, je sentais vraiment cette Présence sans pouvoir, bien sûr, l’expliquer. Nombreux sont les enfants qui font cette expérience. Je voyais ma mère faire du yoga et de la méditation et je me disais : Au fond, c’est cela que je cherche."

Avec de telles dispositions, il n’est pas étonnant qu’au sortir de l’adolescence, Gina ait été attirée par un maître qui enseignait, en même temps la méditation, la prière chrétiennes et la méditation hindouiste avec les mantras et la méditation zen. C’est ce maître qui lui a dit un jour :

"Au Japon, il y a des maîtres qui font de la méditation et qui ne pensent même pas."

" Qui ne pensent même pas. . . " Cette phrase, dit-elle, a été pour elle la phrase-clé. Depuis longtemps déjà, elle souffrait de terribles migraines et elle avait remarqué que celles-ci s’amélioraient si elle parvenait à s’arrêter de penser. S’il était vrai que des moines japonais parvenaient à ne plus penser, alors il lui fallait se mettre à leur école.

La vie avance vite et elle avait déjà vingt-sept ans lorsqu’elle est allée au Japon pour la première fois. Elle a été éblouie par ce premier séjour. "Je suis allée dans plusieurs monastères. Pratiquer la méditation avec des moines dans un monastère qui avait huit cents ans, être là et sentir l’énergie générée pendant ces huit cents années. . . Je me sentais tellement portée par cette énergie qu’il me suffisait de m’asseoir sur un coussin pour entrer aussitôt en méditation."

Elle va revenir et revenir encore. " En 1985, se souvient-elle, je me suis trouvée dans un petit temple en pleine montagne. le maître avait soixante-treize ans et j’ai réalisé que j’avais en lui une confiance absolue. Après trois ou quatre jours, je lui ai demandé s’il voulait m’accepter comme disciple et il a dit oui. Je suis restée trois ans auprès de lui et, petit à petit, j’ai compris beaucoup de choses. C’était la contemplation que je cherchais et, si ma vie s’était organisée d’une manière différente, sans doute aurais-je pu la trouver chez les bénédictines ou les cisterciennes.

Au bout de ces trois ans, pour des problèmes de visa, elle doit quitter le Japon. En passant par Taïwan, elle rencontre un maître qui lui demande ce qu’elle a appris au Japon. "En y arrivant, répondit-elle, je croyais que je savais quelque chose. Aujourd’hui, je sais que je ne sais rien." Peu après, elle découvre le Village des Pruniers. Elle y arrive pour une retraite de vingt et un jours et elle y est encore dix ans plus tard. Au début, pour rester auprès de Thich Nhat Hanh, il lui a fallu l’autorisation de son maître japonais. Elle est allée la lui demander au Japon. Il était à l’hôpital.

"Lorsque je suis entrée dans sa chambre, il m’a aussitôt demandé : "Est-ce que tu peux maintenant transmettre les cinq entraînements à la Pleine Conscience ?" J’ai répondu oui et il m’a dit : "Bon, d’accord, buvons du thé : Il a compris que j’étais prête et il a accepté que quelqu’un d’autre m’ait donné cette transmission. J’en ai été très touchée.

"Il est mort en 1997. J’étais absente des Pruniers et on na pas pu m’atteindre, si bien que je n’ai pas pu aller à ses obsèques. Au bout de quarante-neuf jours, il y a une grande célébration. J’aurais aimé y aller, mais c’était en pleine retraite d’hiver, l’époque où l'on ne sort pas du monastère. J’ai donc demandé à Thây si nous pouvions faire une cérémonie ici et il a dit oui. Il y avait un autel sur lequel on a placé la photo de mon maître et une commémoration que Thây avait écrite en chinois. Il m’a demandé de le suivre, il est allé jusqu’à l’autel et il a touché la terre trois fois. J’ai été très émue et j’ai compris que mon maître japonais était à cent pour cent d’accord pour que je place ma vie spirituelle entre les mains de Thây."

Elle est donc abbesse aujourd’hui après ce long parcours et quand on lui demande ce que cela signifie pour elle, elle prend un long moment de réflexion avant de répondre :

"C’est différent pour chacun. Pour moi, ce qui me concerne le plus, plus que les études par exemple, c’est la vie communautaire. C’est une pratique de chaque minute car, chaque minute, je dois faire face à la capacité d’aimer que j’ai ou qui me manque. Je sens, je sais si je l’ai ou si je ne l’ai pas et je sais que mon chemin, c’est de l’avoir."

"Pour moi, j’ai remarqué que vivre pleinement est une sorte d’habitude. Par exemple, je sais si je suis tout à fait présente ou non. De temps en temps, je me rends compte que je ne le suis pas et, quand cela m’arrive, je me dis "Reviens !" et je reviens et reviens encore autant de fois que c’est nécessaire. Lorsque je ne suis pas dans le présent, je peux choisir : ou bien je reste dans le monde du rêve, là où mon corps n’est pas, ou bien je décide de revenir et je me rends compte qu’avec un peu d’entraînement, cela devient de plus en plus facile. Je reste plus longtemps consciente et mon esprit devient de plus en plus léger. Cela m’arrive surtout au cours des journées de paresse. "
Source :  Extrait Article Buddhaline

jeudi 3 février 2011

Bhikkhuni Dhammananda


En Thaïlande, Dhammananda est la seule femme a pouvoir se draper du civara, la robe de soie safran portée par les bonzes. Premiere femme bouddhiste ordonnée en Thaïlande, cette tout-juste sexagénaire tente d'instaurer un ordre monastique féminin dans son pays et d'y promouvoir l'égalité spirituelle des sexes.

En guise de salut, Dhammananda esquisse un signe bienveillant des yeux, qui adoucit fugitivement son regard pénétrant. La nudité de sa tête, intégralement rasée, dégage l'élégant ovale de son visage. En Thaïlande, elle est la seule femme a pouvoir se draper du civara, la robe de soie safran traditionnellement portée par les membres de la communauté monastique. Un privilège que lui vaut son ordination récente en tant que bikkhunni (nonne) selon la tradition theravada, l’école de pensée issue du bouddhisme primitif (1)…./

À la lumière des paroles proférées par le Bouddha, Dhammananda se fait l’apôtre de l’égalité spirituelle des sexes. Elle dénonce la perversion d'un systeme qui légitime l'infériorité des femmes sur le plan religieux. La dérive misogyne du bouddhisme, elle l’a étudié pendant plus de trente ans avant d'investir totalement sa personne, à l'âge de 54 ans. Accomplíssement individuel de son chemin spirituel, son ordination est aussi le point de départ d'un ambitieux projet pour son pays: l’établissement d'une sangha (communauté) de bikkhunnis theravada en Thaïlande.

Accusée d'imposture
L’annonce de son ordination en 2001 seme la pagaille dans les rangs monastiques. Au coeur de la tourmente, Dhammananda se heurte a la réticence quasi unanime des vénérables bouddhistes. Accusée d'imposture, elle resçoit des lettres menaçantes et fait l’objet d'une enquête gouvernementale.

« Quand j'ai été ordonnée, on m'a reproché de semer le trouble. Si mes censeurs sont confus, c'est parce que les moines de notre pays ont subi un lavage de cerveau depuis le début. Ils ont une compréhension faussée de l'ordination des femmes. »

La religieuse n’est pas du genre à mâcher ses mots, attitude d’autant plus surprenante que la discrétion et la retenue sont des qualités appréciées ici. Dans sa ligne de mire, le discours fataliste des autorités monastiques, selon lequel il est impossible de procéder à une ordination sans les descendants directs de la lignée originelle: toute rupture du líen de filiation (maitre-disciple) qui permet la transmission de l’enseignement et le renouvellement de la communauté est considérée comme définitive. « La polémique concerne les conditions de mon ordination. D'après les règles de la vie monastique, l'ordination d'une femme nécessite la présence de cinq bikkhunnis et cinq bikkhus. Comme il n'existait pas de bikkhunni en Thaïlande, je suis allée au Sri Lanka. »

Dans ce pays, de tradition theravada, comme en Thaïlande, la résurrection de l’ordre des bikkhunnis est une réalité depuis 1996. Présidente et cofondatrice de l’organisation internationale Sakyadhita (Filles de Bouddha) en 1993, Dhammananda est aux premieres loges pour y suivre l’évolution du mouvement bouddhiste féminin. Basée au Sri Lanka, l’association promeut le statut de bikkhunni et favorise l’accès à l’éducation des nonnes asiatiques. Trois ans plus tard, c’est sur le sol sri lankais qu’ont lieu les premières ordinations de bikkhunnis theravada.

L’accomplissement spirituel de Dhammananda est le fruit d'une longue maturation entamée des l’enfance. « Pour expliquer cette décision, je dois parler de ma mère. Quand elle est devenue Mae Chii en 1956, j'étais agée de 10 ans, la pleine ordination des femmes n'existait pas en Thaïlande. Au lieu de quitter la maison, comme e'est le cas traditionnellement, elle a transformé notre maison en temple. » Enfant, la « fille du temple» reçoit une éducation bouddhiste poussée. Plus tard, brillante universitaire, elIe approfondit ses connaissances théologiques et rédige sa thèse sur un sujet qui lui tient à coeur: le statut des nonnes bouddhistes. « j'ai découvert a ce moment-la qu'il était possible pour ma mère de se faire ordonner a Taiwan, selon la tradition mahayana …../

Dharnmananda est loin de se douter que son engagement en faveur des femmes bouddhistes et le service rendu à sa mere guideront ses pas jusqu'a sa propre ordination. Quand Chatsumarn Kabilsingh, de son nom laïque, décide de prêter serment, c’est une femme accomplie, mère de trois enfants, et à l’apogée de sa carriere. Professeur de philosophie bouddhiste depuis vingt ans, responsable des études indiennes au gouvernement, elle affiche le profil type de la femme publique hyperactive qui multiplie les casquettes et assiste à nombre de conférences internationales.

Comme un juste retour des choses, c’est dans le temple de sa mère, le Wat Kalyani, que Dhammananda s'installe, un havre de paix propice à la méditation. Dans le petit village de Nakhon Pathom, à une cinquantaine de kilomètres du tumulte de Bangkok, la nouvelle prêtresse s'impose facilement auprès des habitants comme l’égale des moines. …/

Deux fois par jour, la petite congrégation se réunit autour d’une statue de Bouddha pour prier. Pour vivre en bikkhunni digne de ce nom, Dharnmananda respecte les 311 préceptes édictés par le Bouddha, comme celui de ne pas manger apres 12 heures. Les contraintes de la vie monastique ne calment pas pour autant ses ardeurs et la sérénité qu’elIe affiche a plutót l'air d'une facade de convenance. Ordinateur portable, téléphone, piles de dossiers, le bureau où elle reçoit n’est pas celui qu’on imaginerait comme, étant celui d'une nonne. «La majorité des gens pensent qu'une bonne nonne doit vivre à l'écart du monde. Etre bikkhuni ne signifie pas se replier sur soi¬méme. Je crois que j'ai davantage de travail aujourd'hui que dans ma vie laïque. »
Cette « bouddhiste engagée », comme elle se qualifie elle-même, a tôt fait d’endosser le role de guide spirituel. Régulierement, elle reçoit des anonymes qui restent plusieurs nuits au temple: « C'est mon devoir d'aider les gens et de les recevoir. S'ils viennent avec une soufftance, je dois pratiquer la compassion et les écouter. …/»

Elle sait la portée sociale d'une communauté de bikkhunni, son impact positif sur l'image, parfois dégradée, des Thaïlandaises: « Il n'existait pas de femme en Thaïlande, susceptible de représenter un modele sur le plan spirituel …/

CIaire Sauvaire

Extrait - Article paru dans le Monde des Religions Mai 2006 -

mardi 1 février 2011

La place des nonnes dans le bouddhisme Théravada

En Thaïlande une femme est ordonnée - une première depuis 800 ans !

Après l'ordination on 2001, au Sri Lanka, de Chatsumarn
Kabilsingh, célèbre universitaire féministe thaïlandaise
(voir AR décembre 2001)Par Eric Rommeluère


Chee Varanghana Vanavichayen, 56 ans, ancienne secrétaire et traductrice, mère de deux enfants, a été faite novice (samaneri) au monastère de Wat Songdhamkalayanee, dans la banlieue nord de Bang¬kok.
Dhammarakita Samaneri ''celle qui est protégée par le dharma, (la loi bouddhique) " tel sera désormais son nom.

La cérémonie a été conduite selon le rite theravada par la bhikkhuni (moniale) sri-lankaise Saddha Sushymana, en présence de huit autres moniales du Sri-Lanka, de Taiwan et d'indonésie. Deux moines tibétains et six thaïlandais participaient également à cette cérémonie historique.

Le clergé thaïlandais, formé des écoles Dhammayut Nikaya et Maha Nikaya de la tradition Theravada, estime irrémédiable l'extinction de la lignée des moniales au sein de sa tradition. Car, selon la règle canonique, une novice ou une moniale ne peut recevoir l'ordination qu'en ptésence d'autres moniales qui l'ont reçue dans les mêmes conditions, créant ainsi un lien ininterrompu avec la première communauté du Bouddha.
On touche ici à trois sujets tabous pour le clergé bouddhiste thaïlandais : le caractère sacrosaint de la transmission directe, l'impossibilité d'avoir recours aux services de membres d'une autre tradition qui aurait conservé cette transmission et, enfin, plus ou moins avoué, l'ostracisme dont sont victimes les femmes.

L'interdiction de l'ordination féminine est de fait inscrite dans les lois thaïlandaises régissant le culte. Sur fond d'émancipation féminine, un mouvement de rénovation de cette ordination est récemment apparu dans le Sud-Est asiatique, essentiellement au Sri-Lanka. Des aspirantes de la tradition Theravada se sont alors adressées aux moniales chinoises qui ont préservé cette transmission ininterrompue depuis les origines. Dix moniales furent ainsi ordonnées à Sarnath, en Inde, en 1996, puis vingt autres en 1998 à Bodhgaya.

Aujourd'hui, elles sont environ une cinquantaine à avoir reçu cette ordination qui n'est pas reconnue par les sangha (communauté) nationaux des pays de tradition Théravada.

Dhammarakita Samaneri devra effectuer deux années de noviciat avant de recevoir l'ordination complète, « Je sais qu'il y aura des oppositions, dit-elle, mais je sais que j'ai fait le bon choix. » L'événement a provoqué une double réaction de la part des autorités. Le directeur du département des Affaires religieuses au ministère de l'Education a affirmé que Dhammarakita Samaneri ne sera pas reconnue comme membre du clergé, tout en indiquant qu'aucune action judiciàire ne serait entreprise à son encontre.

Dans le même temps, le ministre de l'Education a chargé le département des Affaires religieuses d'une mission de consultation sur l'ordination féminine, sur ses possibilités et son éventuelle influence sur la vie religieuse thaïlandaise. Il a précisé que d'éventuelles nouvelles novices seraient tolérées tant qu'elles ne se réclameront pas du système monastique thaïlandais et qu'elles ne prétendront pas habiter un wat (un monastère) : «Les Thaïlandais qui auront foi en elles pourront se joindre àleurs activités. Mais elles ne seront pas reconnues par le Sangha national.» En revanche, un groupe de sénateurs s'est prononcé pour la légalisation des ordinations féminines, arguant de l'égalité constitutionnelle entre hommes et femmes.

A terme, selon leurs propres mots,. un conflit religieux surgira, et les moniales reléguées dans une zone de non-droit créeront leur propre école.
Source :Actualités des Religions 37 Avril 2002(devenu le Monde des religions)