dimanche 22 décembre 2013

Tara, symbole de la compassion

La compassion incarnée dans un corps féminin, c'est Kwan Yin en Chine, Kannon au Japon, Tara dans le bouddhisme tibétain.



D'où vient  la légende de Tara ? C'est ce que nous découvrons dans ces extraits de sagesses bouddhistes.

dimanche 8 décembre 2013

Upasika Kee Nanayon : ses enseignements












Enseignements de Upasika Kee Nanayon -



 

 


1 - Généralités sur la méditation


 


Cette pratique qui est aisée à apprendre donne des résultats immédiats et convient en tous temps et en tous lieux, et pour des personnes de tout âge, quel que soit leur sexe. Il s'agit d'étudier à l'école de ce corps et de l'esprit qui le commande...
Se former à la pratique ne signifie pas seulement étudier, écouter ou lire. Vous devez pratiquer de sorte à voir clairement avec votre propre esprit les étapes suivantes : Commencez par écarter toutes les préoccupations extérieures et par vous tourner vers l'intérieur, vers votre propre esprit, jusqu'à ce que vous sachiez de quelle façon celui-ci est clair ou embrumé, calme ou agité.
Pour y parvenir, utilisez la vigilance et restez alerte tandis que vous êtes conscient du corps et de l'esprit, jusqu'à ce que vous ayiez entraîné l'esprit à demeurer fermement dans un état de normalité ou neutralité. Une fois que l'esprit peut demeurer dans un état de normalité, vous verrez les fabrications mentales et les préoccupations dans leur état naturel de surgissement et de disparition. L'esprit sera vide, neutre et tranquille – ni plaisant ni déplaisant – et verra les phénomènes physiques et mentaux quand ils surviennent et s'évanouissent naturellement, d'eux-mêmes.
Quand la connaissance qu'il n'y a aucun « moi » dans aucun de ces phénomènes sera devenu parfaitement claire, vous rencontrerez quelque chose qui se situe au plus profond de vous même, au-delà de toute souffrance et de tout stress, libre du cycle du changement, libre de la naissance aussi bien que de la mort, car tout ce qui est né doit, par nature, vieillir, se dégrader et mourir.
Quand vous verrez cette vérité clairement, l'esprit sera vide, ne s'accrochant à rien. Il ne se regardera même pas lui-même en tant qu'esprit ou quoi que ce soit.
En d'autres mots, il ne s'accrochera pas à lui-même comme étant quelque chose.


Tout ce qui demeurera sera la pure condition du Dhamma. Ceux qui voient cette pure condition du Dhamma dans sa pleine clarté deviennent rebutés par les souffrances répétées de la vie. Quand ils connaissent parfaitement la vérité du monde et du Dhamma, ils voient clairement, juste dans l'instant présent, qu'il existe quelque chose qui demeure au-delà de toute souffrance.


Et ils savent cela sans avoir à demander ou à croire sur la foi de quiconque, car le Dhamma est quelque chose à connaître par soi-même. Ceux qui auront connu cette vérité l'attesteront toujours.



2 - Méditation sur le souffle


Beaucoup de gens sont gênés de parler de leurs propres défauts mais n’ont aucune gêne à parler des défauts des autres. Ceux qui sont prêts à admettre leurs problèmes – ces pollutions mentales qui obscurcissent leur esprit – de manière simple et directe, sont très peu nombreux. En conséquence, la maladie des pollutions mentales est tue, gardée secrète, de sorte que nous ne réalisons pas à quel point elle est grave et étendue. Nous en souffrons tous et pourtant personne ne veut en parler ouvertement. Personne n’essaie vraiment de diagnostiquer ses propres pollutions mentales…
Nous devons trouver une stratégie intelligente si nous voulons éradiquer cette maladie et nous devons pouvoir aborder le sujet ouvertement, reconnaître nos défauts, depuis le plus évident jusqu’au plus subtil, en les disséquant jusque dans leurs plus petits détails. Ce n’est qu’alors que nous bénéficierons de notre pratique. Si nous nous observons de manière superficielle, nous penserons peut-être que nous sommes très bien tels que nous sommes, que nous savons déjà tout ce que nous avons besoin de savoir. Mais quand les pollutions mentales se déchaînent sous forme de colère ou d’incompréhension, nous prétendons que tout va bien… et c’est ainsi que les pollutions mentales deviennent une maladie cachée, difficile à saisir, difficile à diagnostiquer…
Nous devons être forts pour repousser les pollutions mentales, les désirs et toutes les formes d’ignorance de la réalité. Nous devons éprouver notre force face à eux et les assujettir. Si nous pouvons les assujettir, nous pouvons les dominer. Sinon, ce sont eux qui nous domineront, qui nous mettront à la tâche, nous mèneront par le bout du nez, nous créeront des désirs et nous épuiseront de toutes sortes de manières.
Alors, sommes-nous encore des bêtes de somme ? Sommes-nous des bêtes de somme parce que les pollutions mentales nous dominent ? Ont-elles mis un anneau autour de nos naseaux ? Quand nous en arrivons au point où nous n’en pouvons plus, nous devons nous arrêter ; nous arrêter et observer les pollutions mentales pour voir comment elles apparaissent, ce qu’elles veulent, de quoi elles se nourrissent, ce qu’elles aiment. Faites-en votre passe-temps favori : regardez les pollutions mentales et affamez-les, comme une personne qui se libère d’une accoutumance… Voyez si les pollutions mentales en sont perturbées. Sont-elles affamées au point de saliver ? Alors, ne les laissez pas manger. Quoi qu’il arrive, ne les laissez pas prendre cette drogue qu’elles désirent tant. Après tout, il y a beaucoup d’autres choses à manger. C’est ainsi que vous devez être dur avec elles, dur avec ce « moi ». « Tu as faim ? Eh bien, continue à avoir faim ! Tu vas mourir ? Très bien ! Tu peux mourir ! » Si vous parvenez à maintenir cette attitude, vous serez capable de vous libérer de toutes sortes d’accoutumances, toutes sortes de pollutions mentales, parce que vous n’êtes pas esclave du désir, vous ne nourrissez pas le désir qui se délecte des choses matérielles. Il est temps que vous arrêtiez, temps que vous cessiez de nourrir ces tendances. Si elles flétrissent et meurent, laissez-les mourir ! Après tout, pourquoi voudriez-vous qu’elles restent bien grasses et bien nourries ?
Quoi qu’il en soit, vous devez maintenir la pression sur vos désirs et vos pollutions mentales jusqu’à ce qu’ils s’épuisent et disparaissent. Ne les laissez pas redresser la tête, gardez-les sous votre emprise. Telle est la pratique claire et directe que vous devez suivre. Si vous êtes persévérant, si vous menez une lutte constante jusqu’à ce que toutes les pollutions aient disparu, ce sera la plus belle des victoires ; aucune victoire ne peut se comparer à la victoire sur les désirs et les pollutions de notre esprit et de notre cœur.
C’est pourquoi le Bouddha nous a appris à traquer les pollutions mentales dans toutes nos activités, que nous soyons assis, debout, en train de marcher ou couchés. Si nous ne le faisons pas, ce sont elles qui nous traqueront dans toutes nos activités…
Si vous observez les choses attentivement, vous verrez que les enseignements du Bouddha sont tous parfaitement exacts, aussi bien quand ils nous disent d’examiner la maladie des pollutions mentales que quand ils nous disent de lâcher, de détruire et d’éliminer ces pollutions. Toutes les étapes sont là, nous n’avons donc pas à aller étudier autre part. Tous les points de son enseignement nous montrent la voie ; inutile donc de nous demander comment faire pour examiner ces maladies et les éliminer. Cela devient mystérieux et compliqué seulement si vous étudiez ces enseignements sans faire le lien avec la libération de vos propres pollutions mentales. Les gens n’aiment pas parler de leurs propres pollutions et le résultat en est qu’ils restent complètement ignorants. Ils vieillissent et meurent sans rien savoir de leurs propres pollutions mentales.
Quand nous commençons à pratiquer, quand nous commençons à comprendre comment les pollutions mentales brûlent notre cœur, c’est là que nous en venons, peu à peu, à nous connaître nous-mêmes. Comprendre la souffrance et les pollutions mentales, et apprendre comment y mettre fin, nous donne de l’espace pour respirer…
Apprendre comment éteindre les feux des pollutions mentales, comment les éliminer, signifie que nous avons des outils. Nous pouvons avoir confiance en nous : pas de doutes, pas d’hésitations sur la voie de la pratique, parce que nous sommes sûrs de voir qu’en pratiquant ainsi, en contemplant l’impermanence, la souffrance et le non-soi de cette manière, à tout moment, nous sommes vraiment débarrassés de nos pollutions mentales.
Il en va de même pour la vertu, la concentration et la sagesse. Ce sont nos outils – et nous en avons bien besoin ! Nous avons besoin de la sagesse qui vient avec la vision juste des choses, et de la vertu qui vient avec l’autodiscipline. La vertu est très importante. La vertu et la sagesse sont comme notre main droite et notre main gauche. Si une de nos mains est sale, elle ne peut pas se laver toute seule. Il nous faut les deux mains pour avoir les deux mains lavées et propres. Ainsi, là où il y a vertu, il faut qu’il y ait sagesse ; là où il y a sagesse, il faut qu’il y ait vertu. La sagesse est ce qui vous permet de prendre conscience, tandis que la vertu est ce qui vous permet de lâcher prise, d’abandonner, de détruire vos dépendances. La vertu, ce n’est pas seulement suivre cinq ou huit préceptes, vous savez. Elle doit être à l’œuvre dans les moindres détails. A chaque fois que votre discernement, votre sagesse, vous indique qu’une chose est cause de souffrance, vous devez vous arrêter, vous devez lâcher cette chose.
La vertu peut s’affiner et se préciser. Lâcher prise, abandonner, renoncer, s’abstenir, couper et détruire : tout cela est affaire de vertu. C’est la raison pour laquelle vertu et sagesse doivent aller de pair, exactement comme notre main droite et notre main gauche doivent s’entraider. Elles s’entraident à laver définitivement les pollutions mentales. C’est alors que notre esprit peut devenir centré, clair et lumineux. Les bienfaits de ce travail se manifestent au niveau de l’esprit. Si nous n’avons pas ces outils, c’est comme si nous n’avions ni mains ni pieds : nous ne pourrions arriver à rien. Nous devons utiliser ces outils, vertu et sagesse, pour détruire les pollutions mentales. C’est alors que notre esprit en bénéficiera.
C’est pour cette raison que le Bouddha nous a enseigné à nous entraîner constamment à développer la vertu, la concentration et la sagesse. Nous devons garder la forme en nous entraînant ainsi. Si nous ne maintenons pas l’entraînement comme nous le devrions, nos outils pour éradiquer la souffrance et les pollutions mentales ne seront pas aiguisés, ils ne serviront pas à grand-chose. Ils ne pourront pas se mesurer aux pollutions de l’esprit. Celles-ci ont des pouvoirs monstrueux pour dévaster l’esprit en un clin d’œil. Imaginons une situation où notre esprit est calme et neutre : le plus petit contact sensoriel peut y allumer un véritable incendie instantanément, pour peu que ce contact éveille une grande joie ou un grand mécontentement. Pourquoi ?
Les contacts sensoriels sont le moyen d’évaluer la fermeté ou la faiblesse de notre attention. La plupart du temps, ils sont perturbants. Dès qu’un contact s’établit par les yeux ou les oreilles, les pollutions mentales se précipitent. Dès lors, comment garder le contrôle de la situation ? Comment allons-nous obtenir le contrôle de nos yeux ? Comment obtenir le contrôle de nos oreilles, de notre nez, de notre langue, de notre corps et de notre mental ? Comment faire pour qu’ils soient gardés par l’attention et la sagesse ? C’est purement et simplement une question de pratique. C’est notre tâche : nous mettre à l’épreuve en voyant comment et pourquoi les pollutions mentales s’enflamment si vite quand un contact sensoriel se produit.
Imaginons, par exemple, que vous entendiez quelqu’un critiquer quelqu’un d’autre : vous l’écoutez sans être perturbé ; mais si vous réalisez soudain que c’est de vous qu’il s’agit, cela éveille un fort sentiment de « moi » et vous êtes aussitôt furieux et fâché. Si vous mobilisez beaucoup de ce « moi », vous pouvez être très indigné. Ce simple fait devrait nous permettre d’observer que, dès que notre moi est concerné, nous souffrons. C’est ainsi que cela se passe. Si aucun sentiment de « moi » n’intervient, nous pouvons rester calmes et indifférents. Quand nous entendons critiquer les autres, nous pouvons très bien rester indifférents mais, dès que nous pensons qu’il s’agit de nous, notre moi apparaît, il s’investit totalement… et nous brûlons aussitôt sous l’effet des pollutions mentales. Pourquoi ?
Nous devons étudier cela de près ; voir que, dès que notre « moi » s’éveille, la souffrance apparaît instantanément. Voyez qu’il se passe la même chose même si vous ne faites que penser : le « moi » que vous réveillez par la pensée se diffuse dans toutes sortes de problèmes. L’esprit s’éparpille partout avec les pollutions mentales, les désirs et les attachements. Il y a très peu d’attention et de discernement pour veiller sur lui, de sorte qu’il se laisse entraîner dans toutes les directions par le désir et les pollutions mentales.
Et pourtant, nous ne voyons rien. Nous croyons que nous allons très bien. Y a-t-il une personne parmi nous qui réalise ce qui se passe ? Nous sommes trop alourdis, alourdis par notre mauvaise compréhension de la réalité. Notre esprit a beau être tourmenté par la pollution de l’ignorance, nous ne le voyons pas car cette pollution nous rend sourds et aveugles…
Il n’y a pas d’outils matériels pour détecter ou soigner cette maladie des pollutions mentales parce qu’elle n’apparaît qu’avec le contact sensoriel. Elle n’a pas de substance réelle. C’est comme une allumette dans une boîte. Tant qu’elle n’est pas frottée sur le côté de la boîte, elle ne s’enflamme pas. Mais dès qu’on la frotte, elle prend feu. Si elle s’éteint tout de suite, tout ce qui aura brûlé sera la pointe de l’allumette. Si la flamme ne s’arrête pas à la pointe, elle brûlera toute l’allumette. Si elle ne s’arrête pas à l’allumette et qu’elle entre en contact avec quelque chose d’inflammable, elle peut créer un énorme incendie.
Quand une pollution apparaît dans l’esprit, elle commence au plus léger contact. Si nous parvenons à l’arrêter tout de suite, c’est comme frotter une allumette : elle s’enflamme une seconde et puis s’éteint tout de suite. La pollution mentale peut se dissiper ici même. Mais si nous ne l’éteignons pas à l’instant même où elle apparaît et que nous la laissons échafauder des problèmes, c’est comme jeter de l’huile sur le feu.
Il faut que nous observions les maladies que causent les pollutions dans notre esprit pour en connaître les symptômes et voir pourquoi elles s’enflamment aussi vite. Elles ne supportent pas d’être échauffées. Dès l’instant où vous les échauffez, elles s’enflamment. Dans ce cas, que pouvons-nous faire pour nous y préparer ? Comment emmagasiner de l’attention avant que les contacts sensoriels ne frappent ?
Pour emmagasiner de l’attention, il faut pratiquer la méditation, comme lorsque nous sommes attentifs à la respiration. C’est ce qui prépare notre attention et nous permet d’avoir une longueur d’avance sur les pollutions mentales, d’éviter qu’elles apparaissent tant que nous avons notre sujet de méditation comme protection intérieure de l’esprit.
La protection extérieure de l’esprit, c’est le corps qui se compose d’éléments physiques mais sa protection intérieure, c’est le sujet de méditation que nous utilisons pour entraîner l’attention à être concentrée et présente. Quel que soit notre sujet de méditation, c’est lui qui est la protection intérieure de l’esprit, celle qui lui évite de vagabonder, de fabriquer des pensées et des images. C’est pourquoi nous avons besoin d’un sujet de méditation. Ne laissez pas l’esprit courir après ses préoccupations comme le font les gens qui ne méditent pas. Une fois que nous avons un sujet de méditation pour piéger cet esprit vagabond, pour qu’il soit de moins en moins obstiné, il se calmera jour après jour jusqu’à pouvoir rester stable pendant des périodes de temps plus ou moins longues selon comment nous nous entraînons et nous nous observons.

Parlons maintenant de la façon de pratiquer la méditation sur le souffle. Les textes disent de commencer par inspirer et expirer longuement, fort ou légèrement ; puis d’inspirer et expirer brièvement, à nouveau fort ou légèrement. Ce sont les premières étapes de l’entraînement. Ensuite, vous n’avez plus à vous concentrer sur la longueur de l’inspiration et de l’expiration ; vous centrez simplement votre attention sur un point du parcours de la respiration et la maintenez là jusqu’à ce que l’esprit se pose et s’immobilise. Quand l’esprit est immobile, vous vous concentrez sur cette immobilité en même temps que vous restez conscient de la respiration.
A ce moment-là, vous ne vous concentrez pas directement sur la respiration. Vous vous concentrez sur l’esprit dans son état d’immobilité et de normalité. Vous vous concentrez en continu sur la normalité de l’esprit tout en étant conscient que l’air continue à entrer et sortir mais sans vous fixer dessus. Vous restez simplement attentif à votre esprit mais vous l’observez avec chaque inspiration et chaque expiration. D’habitude, quand vous avez une activité physique et que votre esprit est dans un état normal, vous pouvez très bien savoir ce que vous faites, alors pourquoi ne pourriez-vous pas être conscient de la respiration ? Après tout, elle fait partie de votre corps.
Pour certains d’entre vous, tout cela est nouveau, c’est pourquoi vous ne savez pas comment on peut se concentrer sur l’esprit dans son état de normalité avec chaque inspiration et chaque expiration sans se concentrer directement sur la respiration elle-même. Ce que nous faisons ici, c’est pratiquer comment être conscient du corps et de l’esprit en eux-mêmes et par eux-mêmes, purement et simplement…
Commencez par vous concentrer sur la respiration pendant cinq, dix ou vingt minutes. Respirez longuement ou brièvement. En même temps, remarquez les étapes par lesquelles passe l’esprit : comment il commence à s’apaiser quand l’attention est centrée sur la respiration. Il faut que vous soyez déterminé à observer cela parce que, d’ordinaire, les gens respirent machinalement sans y accorder la moindre attention. Ils ne se concentrent pas sur la respiration, ils n’en sont pas vraiment conscients. Ceci nous porte à croire qu’il est difficile de rester concentré dessus mais, en réalité, c’est très simple. Après tout, l’air entre et sort de lui-même tout naturellement. Il n’y a rien de difficile dans la respiration, contrairement à certains autres sujets de méditation. Par exemple, si vous pratiquez l’évocation du Bouddha – c’est-à-dire le mantra bouddho –, vous devez répéter boudho, boudho, boudho.
En fait, si vous le souhaitez, vous pouvez répéter bouddho intérieurement avec chaque inspiration et expiration mais seulement dans les premiers temps de la pratique. On répète bouddho pour empêcher que l’esprit ne fabrique toutes sortes de pensées. Simplement en maintenant cette répétition, on peut affaiblir les tendances de l’esprit à s’évader car l’esprit ne peut faire qu’une seule chose à la fois. C’est quelque chose que vous devez observer. La répétition permet d’empêcher l’esprit de fabriquer des pensées et de s’envoler avec elles.
Après avoir maintenu la répétition de ce mot –inutile de compter le nombre de fois – l’esprit va se calmer et prendre conscience de la respiration à chaque inspiration et chaque expiration. Il va commencer à être immobile, neutre, dans son état de normalité.
C’est alors que vous devez vous concentrer sur l’esprit au lieu de la respiration. Lâchez la respiration et concentrez-vous sur l’esprit – tout en restant conscient, en parallèle, de la respiration. Il n’est pas nécessaire de noter si la respiration est courte ou longue. Notez plutôt si l’esprit reste bien dans un état de normalité avec chaque inspiration et chaque expiration. Souvenez-vous bien de ces instructions pour pouvoir les mettre en pratique.


Source : Bouddhisme au féminin n° 8  :  Traduction Jeanne Schut- Extrait de Pure et Simple (publié sur le Site Dhamma de la forêt)

mardi 3 décembre 2013

Upasika Kee Nanayon : Une laïque birmane devenue un maitre éminent dans la tradition Theravada

Nous avons présenté Upasika Kee Nanayon dans le numéro 8 du magazine. 

Jeanne Schut vient de traduire en français un recueil de ses enseignements en gardant le même beau titre que la version anglaise : Pure et Simple






Upasika Kee Nanayon a été la plus éminente enseignante femme du XXème siècle en Thaïlande. Née en 1901 dans la famille d'un marchand chinois de Rajburi, une ville à l'ouest de Bangkok, elle était l'aînée de cinq enfants – ou, si l'on inclut les enfants de la seconde femme de son père, l'aînée de huit. 

Sa mère était une femme pieuse et lui enseigna très tôt les rudiments de la pratique bouddhiste comme les chants du soir et les observances des préceptes. Elle décrivit plus tard comment, à l'âge de six ans, elle fut rempli d'une telle peur et d'une telle répugnance devant les souffrances de sa mère durant la grossesse et la naissance de l'un de ses frères et soeurs qu'en voyant le nouveau né pour la première fois – dormant paisiblement, une petite chose rouge avec des cheveux très noirs – elle s'enfuit de la maison pendant trois jours. Cette expérience, ajoutée à l'angoisse qu'elle dut ressentir quand ses parents se séparèrent, représenta sans doute l'un des éléments qui jouèrent dans la décision qu'elle prit quand elle était encore jeune, de ne jamais se soumettre à ce qu'elle regardait comme l'esclavage du mariage. 

  Durant son adolescence, elle s'occupa d'un petit magasin pour aider son père alors âgé et consacra tout son temps libre à des ouvrages sur le dhamma et à la méditation. Sa méditation progressait suffisamment pour qu'elle en arrive à enseigner à son père la méditation avec d'assez bon résultats durant la dernière année de sa vie. Après la mort de celui-ci, elle poursuivit son travail au magasin avec la pensée d'économiser suffisamment d'argent pour pouvoir vivre le reste de sa vie dans un lieu retiré et se dédier tout entière à la pratique. 

Sa tante et son oncle, qui étaient également intéressés par le dhamma avaient leur petite maison près d'une colline boisée où elle se rendait souvent pour pratiquer. Après la guerre, en 1945, elle transmit son magasin à une sœur plus jeune, rejoignit sa tante et son oncle sur la colline où ils commencèrent une vie entièrement consacrée à la méditation, devenant upasaka et upasika – disciples laïcs (homme et femme) du Bouddha – Leur lieu de pratique était un monastère abandonné qui devint par la suite le noyau d'un centre de pratique pour femmes qui s'est développé jusqu'à nos jours. 

Au début, de petits groupes d'amis et de parents leur rendaient visite de temps à autre pour les soutenir et écouter les causeries sur le dhamma de Upasika Kee. Comme le bruit se répandit du haut niveau de ses enseignements et de sa pratique, de plus en plus de monde vint la voir et de plus en plus de femmes se joignirent à la communanuté. Plusieurs de ses disciples décidèrent de prendre la robe de nonne (simple ordination de novice à 8 préceptes - voir à ce sujet l'article dans le n° 3 du magazine), elle-même choisit de rester une laïque consacrée (upasika) toute sa vie. 

 Elle laissa derrière elle de nombreuses causeries enregistrées ainsi que de la poésie qui furent imprimés et largement distribués, contribuant à la faire connaître comme l'un des enseignants du Dhamma – homme ou femme - les plus connus de Thaïlande. 

 Upasika Kee est un genre d'autodidacte. Bien qu'elle ait collecté les rudiments de la pratique de la méditation durant ses fréquentes visites à des monastères durant sa jeunesse, elle pratiqua principalement seule, sans étude formelle auprès d'un enseignant. La plupart de ses causeries sont basées sur des textes – le canon pâli et des œuvres d'enseignants contemporains – mais qui ont été testés au creuset de sa propre honnêteté incessante. 

Elle a quitté ce monde paisiblement en 1978 en laissant le centre à un comité choisi parmi ses membres.

mercredi 27 novembre 2013

Jetsunma Tenzin Palmo à Paris en 2009

Après avoir découvert sa pratique maintenue durant douze années dans son ermitage himalayen à 4000 m d'altitude, on a envie de revoir les vidéos de son passage à Paris en 2009






dimanche 17 novembre 2013

Jetsunma Tenzin Palmo : sa pratique durant douze ans dans son ermitage himalayen

Si les résultats de la méditation sont extraordinaires, la voie qui mène à l'Éveil est extrêmement difficile et pénible. C'est une longue route où il y a fort à faire. Les lamas considèrent que parvenir à la libération en l'espace de trois vies représente une progression rapide. La tâche consiste en effet à transformer son corps, sa parole et son esprit en ceux du Bouddha. Pas moins.../


Méthodique et extrêmement consciencieuse, Tenzin Palmo avait commencé les pratiques préliminaires à Dalhousie puis au Lahoul, longtemps avant de se retirer dans sa grotte. 

On répète ces pratiques des dizaines de milliers de fois afin d'assouplir l'esprit et de le préparer aux méditations ésotériques tantriques ultérieures. Durant sa retraite, elle les effectua à nouveau. Elle s'astreignit aussi à un jeûne total et, en une autre occasion, à un jeûne partiel tout en faisant les grandes prosternations et en chantant les louanges de Chenrézi, le Bouddha de la compassion aux mille bras. Les conditions extrêmes dans lesquelles elle vivait accrurent la difficulté physique et mentale de ces pratiques déjà très éprouvantes.
« C'était l'hiver et je n'avais pas les aliments appropriés à ces exercices. Je mangeais une nourriture trop lourde. Quand on fait un jeûne, il est préférable d'absorber des aliments à la fois légers et nutritifs. C'était donc physiquement très dur. J'avais des problèmes digestifs et j'étais devenue très faible. »
Elle raconte cela simplement, se refusant à de plus amples commentaires. Au niveau spirituel, les résultats furent étonnants : «L'esprit se purifie. Les prières sont très belles et l'esprit devient extrêmement clair et léger, ouvert et plein de foi. ».../


Quand elle n'effectuait pas les Préliminaires généraux, elle s'astreignait à la pure concentration, discipline méditative qui forme l'esprit à se concentrer sur un objet ou un thème précis sans interruption. On dit que les yogis sont capables de rester dans cet état pendant des jours, des semaines et même des mois, sans bouger, leur esprit totalement absorbé par la réalité intérieure. Ce type de concentration appelé samadhi est essentiel pour percer la nature de la réalité et découvrir la vérité absolue. C'est aussi un exercice extrêmement difficile car l'esprit est habitué à passer d'une pensée à une autre, d'un fantasme à un autre, à bavarder sans cesse avec lui-même, dépensant une énergie considérable à suivre un flot d'infinies vétilles. 

Les maîtres tibétains comparent l'esprit à un cheval sauvage qui doit être bridé et harnaché. Lorsque l'énergie de l'esprit est captée et canalisée sur un point tel un rayon laser, son pouvoir est immense. Cette technique méditative est en fin de compte l'outil indispensable pour atteindre les recoins les plus secrets de l'esprit et révéler les prodigieux trésors qui y gisent enfouis.

« Pour qu'une pratique, quelle qu'elle soit, soit suivie d'effets, l'esprit qui médite et l'objet de méditation doivent se fondre. Au lieu de cela, la plupart du temps, ils se font face. La transformation n'a lieu que si l'on est totalement absorbé. La présence éveillée passe automatiquement de la tête au cœur. Et lorsque cela se produit, le cœur s'ouvre et il n'y a plus de "moi". C'est un grand soulagement. Quand on apprend à vivre à partir de ce centre plutôt que de la tête, tout ce que l'on fait est spontané et juste. Ce mode de fonctionnement libère immédiatement un grand courant d'énergie, qui n'est plus obstruée, comme elle l'est d'ordinaire, par notre propre intervention mentale. On devient alors plus joyeux et plus léger dans les deux sens du terme, parce qu'on revient à la source, le cœur, plutôt que d'être en exil dans la tête. L'approche scientifique moderne a accordé une telle importance au cerveau que nous sommes complètement coupés de cette réalité du cœur. C'est pourquoi tant de gens ont l'impression que la vie est stérile et dénuée de sens. »


Lorsque Tenzin Palmo eut terminé toutes les méditations préparatoires, elle en vint au cœur de sa pratique : le tantrisme proprement dit, c'est-à-dire le processus qui permet à la transformation préalablement opérée de devenir plein Éveil. Si le résultat final est proprement magique, les moyens d'y parvenir sont eux très astreignants. Pendant les mois et les années qu'elle passa en stricte retraite dans sa grotte, elle restait dans son caisson de méditation et suivait scrupuleusement le même emploi du temps. 


Elle se réveillait à trois heures et demie du matin pour effectuer une première session de méditation de trois heures ; à six heures, elle prenait son petit déjeuner, thé et tsampa ; à huit heures, elle revenait dans son caisson pour une autre session de trois heures ; à onze heures, elle déjeunait et faisait une pause ; à trois heures, elle rentrait à nouveau dans le caisson pour effectuer une troisième session de trois heures ; à six heures, elle prenait du thé ; à sept heures, elle faisait la quatrième session de la journée ; et à dix heures, elle « se couchait » dans ce même caisson de méditation. Elle médita ainsi douze heures par jour, pendant des semaines et des années. Cette femme qui avait quitté le monde avait néanmoins un réveil pour calculer ses séances de méditation et menait une vie très disciplinée et structurée.

Jamais la succession de longues sessions de méditation ne l'ennuya :
« Parfois, je pensais que si je devais regarder le même programme de télévision quatre fois par jour, je me cognerais la tête contre les murs. Mais en retraite, un schéma se dégage. Au début, la méditation est très intéressante. Ensuite, on arrive à un moment où c'est à mourir d'ennui. Puis vient un second souffle où méditer devient de plus en plus fascinant jusqu'à ce qu'en fin de compte cela devienne beaucoup plus intéressant qu'au début. C'est ainsi que ça se passe, même si on fait la même chose quatre fois par jour pendant trois ans. Cela s'explique par le fait que le matériau sur lequel on médite livre peu à peu son sens, nous faisant découvrir graduellement des niveaux de signification de plus en plus profonds. De cette façon, à la fin de la méditation on est beaucoup plus impliqué qu'au début et on s'identifie totalement à ce matériau. »


Extraits de "Un ermitage dans la neige" de Vicki Mackenzie

mardi 29 octobre 2013

Le Zen à l'école : désamorcer la violence

Cette semaine, pendant les vacances de Toussaint 2013, sur France 5 nouvelle émission sur la violence à l'école.

Il est pourtant possible de vivre autrement, ci-dessous  le beau témoignage de dix ans de pratique quotidienne dans un lycée allemand avec la pratique de la Pleine Conscience et la compréhension du bouddhisme. par Cara Harzheim

Le zen, c'est cool


Depuis 1994, je vais presque chaque année au Village des Pruniers. Là, je cherche à me ressourcer et me nourrir et à apprendre à aller de plus en plus en profondeur.

Depuis ce temps-là, je médite régulièrement avec mes élèves au lycée Ludwig-Meyn au sud du Schleswig-Holstein près de Hambourg (78 professeurs et 1040 élèves). Les élèves m'appellent leur « prof de méditation », « la fleur rare et multicolore du lycée », « le prof avec qui on peut parler et qui écoute profondément et qui doit absolument rester parmi les enseignants du lycée traditionnel ». Pendant 10 ans j'ai été leur conseillère, leur prof de confiance, poste officiel, élue par les élèves. Chaque jour, du lundi au vendredi, j'offre à tous les élèves, de la 5ème à la Terminale, 15 mn de méditation pendant la récréation longue. Je renonce à ma propre pause entre les cours pour leur proposer :

- une assise : « suivre sa respiration »;

- « une méditation guidée » selon Thây;

- « une méditation des pierres »;

- « une méditation de la bonté aimante »;

- « metta » (c'est-à-dire envoyer de l'amour à une personne de la famille, à un(e) ami(e), une personne indifférente, et à quelqu'un qu'on n'aime pas);

- la marche méditative (kin-hin) à l'intérieur, ou la méditation marchée à l'extérieur lorsqu'il fait beau sur l'ancien cimetière à côté du lycée;

- la relaxation totale; 

- la cérémonie du thé; 

- manger une mandarine ou un biscuit en pleine conscience 

- écouter de la musique méditative ou les chants du Village.

Les élèves adorent toutes ces méditations et parfois la salle est trop petite.

Il y a des élèves qui viennent pour goûter une première fois, d'autres qui viennent régulièrement chaque jour. Souvent ce sont ceux qui sont très bruyants, ou le contraire ceux qui sont timides et non acceptés, et naturellement aussi ceux qui s'intéressent à tout ce qui est « cool », « in » et « nouveau ». Quand j'arrive 1 minute en retard, ils sont déjà assis devant la porte.

Si les élèves participent plus de 10 fois à ce cours de méditation, ils ont une récompense : une sorte de certificat, une mention dans leur bulletin : « il/elle a participé au cours de méditation avec succès - TB ». Cette mention est aussi importante pour les petits de la 5ème que pour les grands élèves de la Seconde, Première et Terminale; il ne faut pas que j'oublie de la noter !

Je me suis toujours donnée du mal pour trouver une salle calme et convenable pour la méditation, «la salle du silence» ; ce qui n'était pas toujours simple parce que, dans un grand bâtiment, toutes les salles sont prises et nécessaires pour l'enseignement spécial dans toutes les matières. D'abord, j'ai trouvé quand même une salle sous le toit d'un bâtiment vétuste de l'école, que j'ai pu aménager avec 20 coussins, une statue du Bouddha, aussi une icône de Marie et l'Enfant, une petite et une grande cloche, des tasses à thé, une bouilloire, un tapis, un matelas, des bougies et de l'encens.

Mais quand une grande foule d'élèves a voulu y méditer, le Proviseur a pris peur parce que le petit escalier menant à ce grenier n'était pas suffisant pour des raisons de sécurité en cas d'incendie.

Je ne me suis pas découragée et j'ai trouvé d'autres lieux de méditation. A tour de rôle, la grande salle de rassemblement, toute nouvelle, et aussi la salle de musique, et même le cimetière les jours de beau temps, ou tout simplement une salle de classe tout près et, pour finir, une petite chambre dans la dernière des caves ! L'idée était surtout de ne pas abandonner, continuer, trouver la paix.

« Sois libre où tu es »

Lorsqu'il n'y a plus eu de solution, les élèves ont collecté des signatures d'autres élèves et aussi des professeurs, pour la création d'un autre lieu de méditation, afin que le proviseur, le censeur et d'autres personnes de la «haute hiérarchie» de l'école comprennent le besoin d'un lieu de recueil semblable.

Le proviseur soutenait ce projet verbalement seulement en espérant que les élèves se calmeraient et aussi pour prouver que ce « bahut » était une institution moderne ouverte aux nouvelles idées. En fait, il avait peur que je convertisse les élèves au bouddhisme.

Une partie de mon travail avec l'entraînement à la Pleine Conscience s'est donc déroulée pendant les récréations. Une autre partie très essentielle s'est déroulée au sein même de tous mes cours.

Un exemple : l'enseignement de la philo en 7ème année. Les élèves qui ne voulaient pas participer à des cours de religion protestante ou catholique prescrits par l'Etat pouvaient choisir deux cours de philo par semaine. Ils se retrouvaient donc dans mes cours. On a réfléchi aux questions suivantes :

Comment vivre pour être heureux ?

Qu'est-ce la mort ?

Comment gérer sa sexualité ?

C'est quoi l'amour et la fraternité ?

Comment traiter les animaux et la terre ?

- Et tous les problèmes qui les préoccupent...

L'enseignement de toutes les matières que j'enseigne (l'anglais, le français, la philosophie, la méthodologie et l'enseignement des projets) me donne souvent la possibilité d'y incorporer des phases méditatives et de faire partager des choses qui me tiennent à cœur.

Pour mieux m'équilîbrer, j'ai passé un diplôme de TCI «Thème - Centered Interaction» selon Ruth Gohn, psychanalyste juive très connue dans les pays anglo-saxons.

Ruth Gohn, qui avait fuie les nazis et s'était réfugiée aux USA, est revenue en Allemagne après la guerre et a développé son modèle de l'interaction en groupe. Dans les cours, il faut qu'il y ait une balance entre le MOI de l'enseignant, le NOUS du groupe avec l'enseignant et le IL, sujet de l'interaction, ainsi qu'avec l'environnement de cette interaction. Auparavant, dans mes cours, j'avais plutôt penché vers le NOUS et le MOI, tandis que la plupart des profs au lycée penchent vers le IL ; la formation de l'intellect était le seul aspect qui les préoccupait.

Grâce à ces théories et à leur pratique, j'ai trouvé la juste balance entre tous les aspects : même respect vis-à-vis de l'autre que dans le bouddhisme.

En voici un exemple : dans un cours de Seconde en anglais, après avoir regardé le film Gandhi dans les cours précédents, j'ai voulu faire dire aux élèves ce qui les avait touchés le plus dans le film. J'ai structuré le cours de la façon suivante : 

1— 5 minutes de méditation en silence

2— annonce du sujet

3— trouver un partenaire

4— écrire des mots-clés sur des cartons

5 — dessiner la situation 

6 — expliquer en anglais avec leurs cartons et dessins ce qui les avait touchés

7 — finir par la chanson « Je suis arrivé, je suis libre » 

Les enseignants des autres écoles qui regardaient ce cours modèle étaient touchés par l'atmosphère de bienveillance, de tolérance et de paix qui régnait dans ce cours ; même quand 2 élèves étaient arrivés comme toujours en retard !

Dans un autre cours d'anglais, de Seconde, j'ai parlé aussi de l'Empire britannique, à l'exemple des Indes. Les élèves ont pu connaître les différentes religions pratiquées là-bas ; ils ont pu suivre les traces du Bouddha en regardant le film de Thây aux Indes.

En philo, en Première, on a discuté de l'éthique et de la métaphysique. Les 5 entraînements à la Pleine Conscience ont fait une grande impression sur les élèves. En Terminale, en anglais, on a étudié Shakespeare, ses sonnets et « The Taming of the Shrew » (La mégère apprivoisée). Pour les filles surtout, la question était : « Comment combiner humilité et émancipation ? » « Comment reconnaître l'amour véritable ? ». Cela a occasionné de grandes discussions entre eux. Ils ont aussi cité les théories d'Erich Fromm de « l'Art de l'Amour » et les livres de Thây sur l'Amour.

Dans le cours de projets, mes élèves de Seconde avaient choisi comme thème de leur projet « la nourriture »; ce qui nous a amenés naturellement aussi à l'enseignement de Thây sur les 4 sortes de nourritures. 

Le lundi, la première heure de la semaine se prête très bien à un cours de « Renouveau » : 

- comment ai-je pu me ressourcer pendant le week-end ?

- qu'est-ce qui est important pour moi dans cette semaine ?

 - qu'est-ce que je veux regarder profondément ? 

Le vendredi, le dernier cours de la semaine se prête très bien à une courte réflexion du vécu et à une méditation de « bonté aimante ».

Les interrogations écrites stressent beaucoup les élèves. Dans le cours précédent, ils demandaient à avoir une méditation guidée de Thây et, après l'interrogation, une autre méditation pour se relaxer.

Dans tous les 9 groupes à qui je donne des cours, il y a un atout absolument nécessaire, c'est la petite cloche de pleine conscience ; les élèves se plaignent quand j'ai oublié la cloche dans la salle des profs et demandent de pouvoir aller la chercher tout de suite; ce que j'accorde avec plaisir. Chaque élève voudrait bien inviter la cloche (pour éviter des jalousies, je leur explique qu'ils vont l'inviter à tour de rôle, dans l'ordre alphabétique, chaque jour de la semaine). Egalement, toutes les 10 mn, il y a un son de cloche et tout le monde inspire et expire 3 fois.

Dans le lycée, on a 2 fois par an une semaine de projets. Les professeurs, les parents et les élèves peuvent offrir un projet pour une semaine. Deux fois, j'ai offert la pratique de la méditation selon Thich Nhat Hanh ; pour les élèves c'était leur sujet favori. 50 élèves voulaient participer, il fallait réduire le nombre à 16 afin que chaque projet puisse avoir lieu. Dans ma vieille chaumière à la campagne, on a pratiqué l'assise et la marche, coupé les légumes en pleine conscience, mangé en silence après avoir lu les 5 contemplations, écrit les 5 entraînements et les gathas sur des grands papiers, chanté des chansons du Village des Pruniers et fait une relaxation totale. Les élèves étaient sûrs d'avoir participé au meilleur projet. 
En 2003, j'ai proposé un projet pour une journée de projets : «Le zen c'est cool» avec 40 élèves dans une grande salle du lycée : - assise, marche, enseignement sur la Pleine Conscience, cérémonie du thé, manger une mandarine, écouter l'histoire «Le juge qui fait des étreintes », échange de petits cœurs rouges en papier après une étreinte. Les élèves ont adoré tout cela, leurs petits frères et sœurs ont reçu les cœurs et me les ont montrés le jour suivant.

Pour me réconcilier avec mes ancêtres allemands et pouvoir me prosterner devant eux (mon père était officier et médecin militaire nazi), j'ai participé à une retraite internationale au camp de concentration d'Auschwitz en Pologne avec Bernie Glassman Roshi de New York. Les enfants des Allemands et des victimes Juives se sont rencontrés dans des groupes de partage.

J'ai franchi le portail menant à la chambre à gaz bras-dessus bras-dessous avec des survivantes juives en pleurant et en chantant « Sh'Ma Israël ». Nous sommes devenues des amies pour la vie, c'était très émouvant et bouleversant.

Cette expérience m'a permis d'inviter des élèves de Seconde à faire une excursion dans le camp de concentration de Buchenwald/Weimar en Allemagne. Cela nous a donné la chance de nous réconcilier avec notre passé allemand et nos ancêtres. Le soir et le matin, nous faisions une marche et une méditation assise dans des lieux symboliques du camp; ce fut une expérience marquante pour les élèves.

La méditation est devenue une partie du quotidien de l'école, un instrument pour se calmer, se concentrer et laisser partir les fausses perceptions. Les élèves et leurs parents ont compris la richesse de cette pratique. 

Pour finir, j'aimerais citer quelques remarques des élèves : 

Rebecca (Seconde) : « La salle de méditation est le plus beau lieu de l'école; là, je peux arriver à capter l'essentiel et je peux lâcher prise, je me sens à l'aise et j'aimerais y rester plus longtemps ».

Stéphanie (Terminale) : « C'est vachement bien si on arrive à ne plus se dissiper, à avoir la tête vide, à ne plus penser et laisser partir toute cette pression ». 

Anna-Lena (Terminale) : «La méditation ça fait du bien, on commence à se concentrer sur sa respiration, à revenir à soi-même et à être conscient de son corps, normalement j'ai le problème de réfléchir trop... ». 

Johanna (Première) : «J'étais tellement allée loin en profondeur que je n'ai plus senti mes bras et mes jambes, j'ai beaucoup aimé me concentrer sur mon cœur et d'accepter ce qui me fait souffrir ». 

Vijnessa (Première) : «Mes maux de tête ont disparu, je me suis sentie décontractée et réveillée». 

Wiebke (Première) : « Après la méditation j'avais l'impression d'avoir une nouvelle énergie ». 

Daniel (Seconde) : «Je médite chaque soir à la maison et je me suis aperçu que je devenais plus calme». 

Gaby (Seconde) : en retard au premier cours de philo : «Excusez-moi Madame, notre famille a pratiqué la méditation hier soir et nous avons tellement bien dormi que nous n'avons pas entendu le réveil ». 

Pour le Millénaire en 2000, j'ai escaladé la butte du Hameau du Haut avec Thây et la sangha. J'avais fixé au tableau blanc une photo de ma maison en exprimant le vœu d'en faire un centre de pratique. Je l'ai réalisé et pendant 6 ans, j'ai réuni la sangha à Brande au Schleswig-Holstein dans la salle de méditation de ma vieille maison à la campagne. Après une maladie, j'ai pris ma retraite et j'ai dû vendre ma maison. J'ai décidé de vivre près de Thây en France. Enseigner était ma passion, les élèves étaient mes enfants, mes amis. On a pu apprendre avec joie les uns des autres. Je pense souvent aussi à mes collègues. D'abord il y a eu des jalousies et des disputes puis, quand j'ai commencé à aller au Village des Pruniers, mes collègues m'ont dit : «on ne peut plus se disputer avec toi, tu es toujours souriante et détendue». • Cara Harzheim

Source : Bouddhisme au féminin n° 15

samedi 5 octobre 2013

La vie quotidienne est une méditation - Daeheng Sunim

Entretien avec Daehaeng Sunim, nonne coréenne 

(...) Je vis comme une nonne,en faisant abstraction de tout le reste, et de ce fait, j'agis en ne faisant pas de distinctions. Vivons sans faire de différences. Quand on fait quelque chose, peut-on dire que l'on a réellement fait quelque chose ? Regarder, écouter, parler - tout est la conjonction d'une infinie variété d'éléments, instant après instant. 

Quand on voit, entend ou fait quelque chose, peut-on dire qu'on a vu, entendu ou fait quelque chose? Le monde de l'esprit englobe tout, et on pourrait l'appeler l'Esprit Un. C'est comme l'espace - on ne peut pas le voir ou le saisir mais pourtant l'espace existe. 

Ni la quiétude, ni l'agitation, ni le koan ne sont la méditation. Il n'y a rien qui ne soit pas de la méditation dans la vie. Les méditations assises, debout ou allongée sont des méditations. Il n'y a rien qui ne soit pas de la méditation dans la vie. 

Quoi que je fasse - aller aux toilettes, manger, dormir - tout cela, c'est de la méditation. On ne peut même s'accrocher au mot "méditation" parce que ce qui est, est ainsi. J'enseigne la même chose aux moines, aux nonnes et aux laïcs. Parce que tout dans la vie est méditation, la vie quotidienne est méditation. La situation est ce qu'elle est, on observe, on agit, c'est cela la méditation. 

 C'est la raison pour laquelle chacun se guérit. On fait disparaître les difficultés et les souffrances, on conserve l'harmonie de la famille, et ainsi on progresse. On ne peut obtenir la compassion que par soi même Je ne peux pas offrir la compassion et la tendresse. On ne peut les obtenir et les connaître que par soi même. Si on regarde, si on fait l'expérience, la sagesse grandit et les problèmes sont résolus. 

Nos problèmes découlent des actions du karma. On doit réfléchir sur soi-même, ne pas abriter de ressentiment, agir et parler avec douceur. (...) Si vous procédez avec douceur, tout peut être résolu. 

Quand il fait nuit, si vous allumez une lampe, vous pouvez vivre dans la lumière.

RIEN N'EST PERMANENT.

Respecter les préceptes signifie que l'on prend tout à son propre compte, c'est là que réside la sagesse. 

Ne blâmez personne d 'autre. Si on vit sans avidité, non seulement on pourra respecter les cent, deux cents, trois cents règles, mais on pourra tout voir. C'est là que réside la sagesse. Dans quel autre endroit pourrait-elle se trouver ? Elle n'est pas ailleurs. 

La vacuité signifie que ce que l'on voit n'est pas fixe. On peut voir ou entendre ceci ou cela, aller ici ou là, rencontrer telle ou telle personne, manger ceci ou cela ; rien n'est permanent. C'est pourquoi quand j 'ai fait quelque chose je ne peux pas dire que je l'ai fait, et si je vois quelque chose, je ne peux pas dire que je l'ai vu, même moi je suis vide. Tout est vide. 

Le Bouddha symbolise l'origine de la vie. Le sens de l'enseignement, c'est qu'on voit et qu'on ne voit pas, tout dans le monde se rejoint et se résout ensemble : c'est l'interpénétration des choses. C 'est la raison pour laquelle l'enseignement du Bouddha n'a pas de barrières, de frontières ou de limites. 

Le Bouddhisme est l'expression de la Vérité Universelle.

Les Occidentaux ont tendance à trop se préoccuper de leurs états d'âme et souffrent en conséquence Quand la souffrance survient, si vous la confiez à l'Esprit Un, le mental se calme. Alors on ne rencontre plus de problèmes dans la pratique, et on ne suit plus les pensées vagabondes. On n'est plus conditionné par l'extérieur et, intérieurement, commence une pratique d'observation de vigilance et d'expérience. 

Source : Blog Vipassana,  extraits de : Rencontre avec des Femmes Remarquables de Martine Batchelor - Edition SULLY

lundi 30 septembre 2013

Venerable Lobsang Dechen : Célébration de l'obtention du diplome de geshé pour les nonnes tibétaines

Until recently, the Geshe degree, which Tibetan Buddhists consider the equivalent of a PHD in Buddhist Philosophy, was only available to Tibetan monks. Following many years of intense discussion, the decision was taken to offer Tibetan Buddhist nuns a Geshe degree too. Ven. Lobsang Dechen, Co-Director of the Tibetan Nuns Project, in Dharamsala, India, will discuss why this was important and what the challenges and successes have been within the community, and for the nuns themselves.




Ven. Lobsang Dechen from epb mz uni hamburg on Vimeo.

jeudi 5 septembre 2013

L'humour d'Alexandra David Neel : Yogini sur une planche à clous !!

Le long d'une route où venait de passer une procession promenant une imitation du char de Jagatnath, le dieu vénéré à Puri, un sadhou était étendu dans une cabane, les yeux clos, immobile, apparemment plongé dans la plus profonde méditation et inconscient de tout ce qui existait autour de lui. Je me promenais avec une dame étrangère fort éprise de la religiosité hindoue. 
Elle remarqua le pseudo-saint homme. 
Croyez-vous, me demanda-t-elle, qu'il soit réellement en état de samâdhi ? 
J'en doute fortement, répondis-je. 

Cependant..., insista la dame contrariée de renoncer à l'illusion d'avoir contemplé un yoguin en extase. Cependant, comment peut-on savoir... 
Ce n'est pas difficile, répliquai-je, une idée malicieuse m'étant venue en voyant la sébille placée à côté du sadhou pour recevoir les aumônes des passants. 
J'emmenai la touriste à quelque distance de la hutte du sadhou et, là, j'avisai un gamin déguenillé et l'appelai. 

—Veux-tu gagner une roupie ? lui demandai-je. 
Les yeux subitement écarquillés du garçon me servirent de réponse. 
« Ecoute, lui dis-je, tu vas aller près du sadhou que tu vois couché là-bas. Il a près de lui un petit bol dans lequel les passants ont mis de l'argent, tu vas mettre ta main dans le bol et y prendre quelque monnaie, puis tu feras semblant de t'enfuir avec l'argent. 
« Comprends bien, je ne veux pas que tu voles le sadhou, nous lui rendrons ce que tu auras pris. Je veux seulement m'amuser. Tu auras une roupie si tu es adroit. » 

Quelle aubaine pour ce petit mendiant, il en riait de plaisir ! Et le voilà parti. 

Nous n'eûmes pas à attendre longtemps l'effet qu'il produisit. Il n'eut pas aussitôt étendu sa petite patte crasseuse que le sadhou se leva d'un bond et avant que le « voleur » ait pu toucher la sébille, le « saint homme », subitement sorti de sa méditation et proférant une série de jurons, se disposa à le saisir. 

Le garnement ne dut qu'à son agilité de lui échapper. Cette fois, les badauds dont la rue était pleine rirent de bon cœur. Je déposai quelque monnaie dans la sébille du « saint homme » pour apaiser son ire et au garçon qui me guettait un peu plus loin je remis la roupie promise. 

La dame étrangère paraissait quelque peu navrée de sa déception. Cette expérience ne la guérit pas de sa curiosité concernant les yoguins. 
Nous étions de bonnes amies et, pour lui être agréable, je la promenai à travers la ville en quête de sadhous particulièrement pittoresques. 

Elle avait entendu parler de ceux qui demeurent couchés sur un lit hérissé de longues pointes de clous. Ce lit consiste généralement en une forte planche supportée par des pieds. Dans la planche on a enfoncé, en rangées serrées, de longs clous dont la pointe dépasse le bois de huit à dix centimètres. Enfin, j'appris qu'un ascète, dont la spécialité était de s'étendre sur ce genre de couche, demeurait sur une petite place voisine de la mosquée d'Aurengzeb. Il y enseignait, disait-on, quelques disciples qui s'assemblaient autour de son lit clouté. 





Quand mon amie en fut informée elle ne se tint plus d'impatience, nous devions aller voir ce saddhou. J'y consentis volontiers et, souhaitant causer avec le « saint homme » je crus préférable de choisir pour me rendre près de lui, le milieu de la journée où vraisemblablement il serait seul, ses prédications ayant lieu dans la soirée. Je ne réussis que trop bien. Non seulement les disciples ne se trouvaient point là, mais leur gourou était absent. Un seul fidèle gardait le lit de torture placé sous un auvent. Il nous dit que son maître ne tarderait pas à revenir et reprendrait sa place. 

Cependant le temps passait, l'ascète ne revenait pas. Mon amie manifestait un pénible désappointement ; elle ne verrait pas le bonhomme étendu sur des clous... Une idée baroque me passa alors par la tête. 

— Ne te chagrine pas, lui dis-je, si tu tiens vraiment
 à voir quelqu'un couché sur des clous, je puis te montrer
 cela. Lorsqu'on a vécu pendant de nombreuses années dans l'Inde et que l'on s'y est intéressé aux pratiques des yogas physiques, l'on n'est pas sans avoir appris à effectuer certains exercices bizarres. 
— Regarde, dis-je à la curieuse. J'enlevai mon sâri de mousseline, l'espèce de toge dans laquelle les Indiennes se drapent, et ne conservai qu'un mince pantalon et une veste légère, puis je m'étendis de tout mon long sur les pointes des clous. 
De là, je continuai à causer avec mon amie terrifiée. 

Le pire, ou le plus amusant de l'aventure, fut que, tandis que je conversais ainsi, nous entendîmes, venant d'une ruelle qui débouchait sur la place, la voix d'un guide promenant des touristes. 
—Ladies and gentlemen, clamait-ii en anglais, vous
 allez voir le célèbre fakir qui pratique l'austérité inouïe
 de demeurer couché sur les pointes acérées d'un lit de
 clous. Son boniment s'achevait à peine quand le peloton des touristes fît irruption près de l'auvent sous lequel je me trouvais. 

Ebahissement générai. Guide et touristes demeuraient muets, médusés. 

— How do you do, dis-je et je continuai en anglais. Il fait plutôt chaud à Bénarès n'est-ce pas ? Je ne suis pas le fakir, cela se voit. Il va revenir ; je me reposais à l'ombre tandis que sa place était vacante. Sur ce, je me levai lentement. Quelques-uns des étrangers, trop abasourdis pour dire un mot, s'en vinrent inspecter les clous et s'écorchèrent les doigts, car les clous n'étaient nullement truqués, mais bel et bien pointus. 
«— Vous avez vu quelque chose de bien plus étonnant qu'un fakir, dis-je alors aux touristes, vous avez vu une Parisienne couchée sur un lit de clous, c'est plus rare. Soyez donc généreux envers le sadhou qui va revenir, donnez quelque monnaie à son disciple que voilà, il la lui remettra. 

Je me redrapai dans mon sâri et je m'en allai. Mes lecteurs me trouveront certainement peu sérieuse, mais il n'est guère possible, même en Inde, de demeurer continuellement plongé dans de profondes méditations philosophiques. Du reste, parmi tant de choses merveilleuses que l'Inde nous enseigne, la moindre n'est pas que l'on peut découvrir un sens philosophique dans les actes les plus saugrenus.


Extrait de L'Inde où j'ai vécu

dimanche 4 août 2013

Ajahn Sundara : L'effort juste - vidéos Sagesses Bouddhistes 2013

Sagesses Bouddhistes reçoit à la grande pagode de Vincennes  Ajahn Sundara, nonne française, de tradition theravada des moines de forêt et dont le maître est Ajahn Sumedho, fondateur du monastère des Moines de Forêt en Thaïlande et du monastère Amaravati en Grande-Bretagne.

En deux parties, Ajahn Sundara traite de l'effort juste




dimanche 28 juillet 2013

Attentat à Boddh Gaya - Aux sources de l'extrémisme Bouddhiste


BOUDDHISME Aux sources de l’extrémisme - 
Deux articles indiens et thailandais publiés par le courrier International
Cette religion est généralement associée à la non-violence. Pourtant, de la Birmanie à la Thaïlande, en passant par le Sri Lanka, des moines et des groupes religieux prennent les armes et attaquent des musulmans, vandalisent leurs commerces, brûlent les mosquées.
Epicentre du phénomène : l’ouest de la Birmanie, oùtoutacommencé,enjuin2012.Depuis,les représailles se multiplient dans les pays de la région, où musulmans et bouddhistes se côtoient depuisdessiècles.Partout,lesraisonssont locales, liées à l’histoire des communautés, à des considérations politiques et à la pauvreté. Lephénomènetouchedésormaisl’Inde,où dix bombes ont explosé à Bodh-Gaya, lieu saint du bouddhisme. La presse régionale donne quelques clés pour comprendre cette flambée de violence.

Inde – Une déferlante islamophobe
L’Inde s’inquiète des répercussions humanitaires et sécuritaires des attentats qui ont frappé le sanctuaire bouddhiste de Bodh-Gaya. 

C’est la paix qui règne à Bodh-Gaya [lieu sacré du bouddhisme aujourd’hui dans l’Etat indien du Bihar] qui a permis à Bouddha d’atteindre l’éveil. Ses disciples y affluent du monde entier chaque année par millions. Cette paix a été rompue et le temple défiguré par l’explosion de dix bombes de faible puissance qui ont blessé deux moines. Trois autres engins ont heureusement été désamorcés. Qui aurait pensé que ce sanctuaire serait un jour ensanglanté par la violence ? C’est pourtant ce qui s'est passé tôt le matin du dimanche 7 juillet.
Le bouddhisme repose sur la non-violence, mais le fondement spirituel de leur religion n'a manifestement pas empêché des bouddhistes de devenir violents. Ni ces derniers temps ni par le passé. Les sinistres Khmers rouges ont fait leur apparition dans un milieu bouddhiste. Pol Pot avait été moine bouddhiste dans sa jeunesse. Et ce n'est pas la première fois en Birmanie que des moines approuvent la violence en tant que tactique. Au Sri Lanka également, les liens entre la violence et le bouddhisme remontent loin dans l'histoire.
Pour le cinéaste tibétain Pema Dondhup Gakyil, les bouddhistes sont tout simplement des personnes comme les autres. Son film de 2004 We're No Monks [Nous ne sommes pas des moines] remet en cause le stéréotype du bouddhiste non violent. "La question que pose mon film, c'est : combien de temps quelqu'un peut-il rester patient ?" explique-t-il. La patience est une chose qui commence à manquer également dans le royaume bouddhiste de Thaïlande.
L'insurrection musulmane dans le sud du pays a fait 5 000 morts depuis 2004. Certains bouddhistes de la région, y compris des moines, ont pris les armes et formé des milices pour se défendre.

Pas de scrupules.
Beaucoup essaient encore de comprendre pourquoi le bouddhisme, une religion généralement associée à la non-violence, a été pris pour cible à Bodh-Gaya. L'explication de ces attentats se trouve peut-être dans le voisinage de l'Inde, à deux mille kilomètres à peine, en Birmanie. Là-bas, une nouvelle forme de bouddhisme se répand, forçant les musulmans à s'enfuir pour se protéger. Pour ses adeptes, être birman, c'est être bouddhiste. Ils préfèrent s'armer de machettes que de prières. Ils n'hésitent pas à battre des musulmans à mort. Et n'ont aucun scrupule à incendier leurs maisons. C'est un conflit qui a de quoi inquiéter l'Inde. Non seulement il crée une situation qui pourrait conduire l'Inde à faire face à un afflux de réfugiés musulmans rohingyas, mais il est à craindre que les choses ne s'enveniment également dans notre pays. Les enquêteurs indiens chargés de l'attentat du 7 juillet à Bodh-Gaya n'écartent pas la possibilité qu'il ait été commis par des groupes islamistes extrémistes en représailles aux violences islamophobes en Birmanie. Si l'on peut mettre en doute cette thèse par trop rebattue, on ne peut nier que le conflit qui déchire la Birmanie soit très grave.
La piste d'une connexion pakistanaise est également explorée, en raison des efforts déployés par le Pakistan dans les forums internationaux (comme les sommets de l'Organisation de la coopération islamique) pour attirer l'attention sur la situation critique des Rohingyas. Un attentat comme celui de Bodh-Gaya peut en effet pousser la communauté internationale à s'intéresser à cette communauté musulmane, et en même temps, créer une nouvelle instabilité et de nouvelles dissensions dans la société indienne. Par ailleurs, le gouvernement indien est aussi préoccupé par le bouddhisme extrémiste au Sri Lanka, où les tensions entre la communauté majoritaire et la minorité musulmane sont également exacerbées. A la différence de ce qui se passe en Birmanie, où le gouvernement donne au moins l'impression d'essayer de limiter les violences islamo-phobes, les extrémistes bouddhistes du Sri Lanka bénéficient du soutien de certaines personnalités politiques de premier plan. Mais l'ancien ministre [indien] des Affaires étrangères Kanwal Sibal ne croit pas à une montée généralisée de l'extrémisme bouddhiste. "A la différence de l'islam, le bouddhisme extrémiste n'a pas de composante pan-bouddhiste", explique-t-il.
Pour Gyana Ratna, maître de conférences à l'université de Chittagong [au Bangladesh], ces divers conflits sont alimentés principalement par des facteurs non religieux, tels que l'insuffisance du développement économique. Cela est particulièrement vrai en Birmanie, où la pauvreté est omniprésente et où des griefs économiques ont déclenché le conflit. L'une des principales explosions de violence islamophobe est partie d'une dispute sur le prix d'un bijou dans une boutique appartenant à un musulman. Pour revenir en Inde, plusieurs agressions de bouddhistes par des islamistes ont été rapportées à Chittagong. Il en résulte un ressentiment croissant chez les jeunes bouddhistes, qui réfrènent leur envie de se venger davantage parce qu'ils sont minoritaires que parce qu'ils croient en la non-violence. "Je pense que cette violence entre l'islam et le bouddhisme cessera une fois que les facteurs locaux auront été traités", affirme Ratna, avant d'ajouter qu'il croise quand même les doigts.
Debarshi Dasgupta, Pranay Sharma Publié le 22 juillet - New Delhi - Source : Courrier International

 MOINES ET MILITAIRES Aux sources de l’extrémisme
Un groupe bouddhiste extrémiste attise depuis un an les sentiments antimusulmans en Birmanie. Mais l'antagonisme religieux a été instrumentalisé par la junte militaire depuis 1962.
—The Irrawaddy
(extraits) Chiang Mai (Thaïlande) De Mawlamyine, Etat Mon


Ill est presque 20 heures à Mawlamyine, la capitale de l'Etat Mon, dans le sud de la Birmanie. Le moine bouddhiste Wimala Biwuntha est sur le point d'arriver au temple du quartier d'Aut Kyin pour prononcer un sermon. Sa réputation d'orateur charismatique le précède: pourtant, seulement 100 personnes sont rassemblées dans la salle principale et le même nombre, principalement des enfants, à l'extérieur. Quelques minutes plus tard, Wimala Biwuntha apparaît. Il commence son discours par une mise en garde inquiétante : "Nous, les bouddhistes, nous sommes comme les passagers d'un bateau en train de couler. Si les choses ne changent pas, notre religion va bientôt disparaître. Le sermon de ce soir va porter sur 969." Il fait une brève pause, puis demande : "De quoi va parler le sermon de ce soir ?" "Du 969", répond l'audience. "De quoi va-t-il parler ?" répète-t-il dans le microphone en haussant la voix. "Du 969 !" "Plus fort ! Vous devez le dire plus fort ! Peu importe si vous faites tomber ce Dhamma Yone [salle destinée aux rassemblements religieux], nous le reconstruirons !"
La scène évoque plus un meeting politique qu'un sermon bouddhiste. Mais elle n'est pas surprenante : Wimala Biwuntha est connu pour être un moine extrémiste et l'un des principaux défenseurs du 969, un mouvement qui a beaucoup fait parler de lui ces derniers mois non seulement dans le pays, mais dans le monde entier. Considéré comme un mouvement bouddhiste nationaliste et extrémiste, il est lié aux récentes manifestations de violence islamophobe qui ont secoué le centre du pays et dont beaucoup craignent qu'elles ne se transforment en un conflit à l'échelle nationale. [Depuis juin 2012, diverses émeutes antimusulmans ont secoué plusieurs régions du pays, faisant des centaines de victimes.]
"Vous devez vous rappeler que le 969 existe depuis deux mille six cents ans, poursuit-il d'une voix tonitruante. Le christianisme est né six cent vingt ans plus tard et l'islam plus de mille ans après. " [L'appelation 969 fait référence aux neuf attributs du Bouddha, aux six attributs de son enseignement et aux neuf attributs de la communauté des moines, appelée Sangha. Les Birmans sont friands de numérologie.] Il reconnaît cependant que son mouvement jouit d'une notoriété récente. "Certains me demandent : 'Est-ce légal ?' Je ne sais même pas comment répondre à cette question. Le Bouddha est-il légal ? Nous, les moines, nous sommes légaux, n'est-ce pas ?"

Boycott.
Il affirme que 969 est non violent et repose uniquement sur le boycott des commerces appartenant aux musulmans et portant le nombre 786, utilisé en Birmanie pour signaler les boutiques et les restaurants halal [en numérologie, ce nombre représente une phrase du Coran].
"Nous n'avons jamais parlé de frapper ou de tuer les gens d'autres religions, insiste-t-il. Le Bouddha nous a appris qu'il ne fallait tuer aucune créature vivante, et encore moins les personnes ou les membres d'autres religions." Si ces paroles devaient rassurer les musulmans, qui constituent approximativement la moitié de la population du quartier, elles ont échoué.
Les musulmans ne sont pas les seuls à trouver inquiétante la façon dont le mouvement 969 cherche à instiller dans le cœur des bouddhistes la peur d'une prétendue conspiration musulmane afin de chasser l'islam du pays, où il s'est solidement enraciné depuis le rxe siècle..
"On aurait cru entendre Hitler", n'a pas hésité à dire Htun Than, un bouddhiste de 57 ans, ancien candidat aux élections de 1990, après avoir entendu le sermon. "Si son groupe devient plus fort, ce sera un gros problème. " Kyaw Kyaw, une autre personnalité politique locale appartenant au principal parti d'opposition, partage son avis. "Vous avez entendu la rengaine : 'Nous ne devons pas rester immobiles. Si nous restons immobiles, notre religion disparaîtra.' Que veut-il dire par là ? Ils ne font que perturber les gens. Cela doit cesser."
Kyaw Kyaw rappelle que le mouvement ultra bouddhiste est né en 1997 avec la publication d'un opuscule de quarante pages intitulé 96g à Mawlamyine, une ville connue depuis toujours comme un centre important du bouddhisme birman. Ce court manifeste invitait les bouddhistes à arborer le nombre 969 sur la porte de leur maison, la devanture de leur commerce ou le pare-brise de leur voiture. Il ne critiquait aucunement les autres religions, mais appelait simplement les croyants à bien se conduire et à s'entraider.
Quelques années plus tard, une autre brochure porteuse d'un message ouvertement antimusulman commença à circuler. Elle insistait toujours sur la nécessité d'avoir une conduite irréprochable, mais certaines de ses dix-sept recommandations pour protéger le bouddhisme encourageaient la discrimination active à l'égard des musulmans. Ce texte, dont la publication n'a jamais été autorisée, disait que les bouddhistes devaient employer la stratégie des "trois ruptures" avec les musulmans : il fallait rompre les liens commerciaux, empêcher les mariages mixtes et cesser toute relation sociale avec eux, y compris les conversations anodines. Mais elle n'allait pas jusqu'à conseiller la violence.
Le mouvement 969 est peut-être un phénomène relativement récent, mais l'intolérance n'a malheureusement rien de nouveau dans le pays. Si la religion est parfois considérée comme un facteur contribuant à ce problème, beaucoup d'observateurs regardent plutôt ailleurs, vers les politiques de l'Etat qui exploitent depuis longtemps les différences religieuses et ethniques pour conforter l'emprise des militaires sur le pouvoir. "Le vrai coupable est Ne Win, pas le 969 ", affirme Htun Than, le politicien qui s'est présenté aux élections en 1990.

Discrétion d'AungSan Suu Kyi.
Il rappelle que les musulmans ont été traités sur un pied d'égalité en Birmanie jusqu'à ce que le général Ne Win s'empare du pouvoir, en 1962, avec un coup d'Etat sanglant, inaugurant ainsi un demi-siècle de dictature militaire. Htun Aung accuse pour sa part les politiques menées par l'ancien parti au pouvoir, le Parti du programme socialiste birman (PPSB) [émanation de la junte au pouvoir], d'avoir attisé la méfiance entre les différentes communautés religieuses. "Le PPSB a fait de la discrimination fondée sur la religion une politique officielle et a contraint les musulmans à compter de plus en plus les uns sur les autres pour se soutenir", explique-t-il. Cela, ajoute-t-il, a engendré un ressentiment croissant parmi les bouddhistes, qui ont fini par voir les musulmans comme des gens différents. Après la vague de violence islamophobe, le président Thein Sein a promis de protéger les droits des musulmans. Mais, pour Myint Lwin, professeur à la mosquée Moree de Mawlamyine, la position du gouvernement sur le sujet est loin d'être claire. Lorsque je lui ai demandé s'il avait été déçu que la présidente de la Ligue nationale pour la démocratie et lauréate du prix Nobel de la paix, Aung San Suu Kyi, ne se soit pas exprimée davantage sur les violences contre les musulmans, il a répondu qu'il était probablement mieux qu'elle n'ait pas pris leur défense. "Nous voulons qu'elle en dise le moins possible sur le sujet. Mais nous savons qu'elle est triste pour nous", explique-t-il. Il est persuadé que la situation s'améliorerait si Mme Aung San Suu Kyi était élue à la présidence.
En attendant, les musulmans de Birmanie se préparent à subir d'autres violences.
KyawZwa Moe
Publié le 22 juin - Source Courrier International